Faites parler la poudre

Vous avez peut-être entendu parler du documentaire de plus de 4h In Search of Darkness, ainsi que sa suite toute aussi longue, une exploration des films d’horreur des années 80 à travers la perspective des acteurs, réalisateurs, producteurs, artisans du SFX qui les ont réalisés et leur impact sur le cinéma contemporain. C’est dispo sur ShadowZ et ça a fait la joie des amateurs du genre. Et bien sachez qu’il existe la même chose pour le cinéma d’action des années 80/90, en bien moins long, avec le documentaire de 2h20 (tout de même) tout simplement nommé In Search of the Last Action Heroes, qui ravira tous les amateurs de cinéma d’action qui ont grandi dans les années 80 (et les années 90), qui sont nostalgiques de cette époque où une explosion était une explosion, où une punchline balancée par un mec bodybuildé devenait immédiatement récitée par tous les enfants dans les cours de récréation, où des réalisateurs cultes sont nés, et où on arrivait à sentir l’odeur du pneu qui s’use sur le bitume à travers son écran.

A l’origine de ce documentaire, on retrouve un certain Oliver Harper, un youtubeur anglais de bientôt 40 ans qui avait sur la toile une solide réputation avec ses rétrospectives de films d’action et de SF des années 80/90 (ainsi que des critiques de films récents). Depuis longtemps, il avait envie de produire un documentaire pour rendre hommage aux films de son enfance, à leurs acteurs et aux héros qu’ils ont interprétés. Pour cela, il est passé par le financement participatif, d’abord une campagne Kickstarter qui a levé 42048£, puis une deuxième via Indiegogo où il a pu récolter pas moins de 115921€. C’est en 2019 que la première de son documentaire arrive enfin et commence à faire le tour du monde. Oliver Harper avait de quoi faire frémir l’entrejambe de bon nombre d’amateurs du genre qui ont grandi à la même époque avec son documentaire, juste par la présence de noms bien connus. On y retrouve des réalisateurs, des scénaristes, des monteurs, des acteurs, des compositeurs, des producteurs, des cascadeurs, des spécialistes d’effets spéciaux, ou encore des critiques reconnus. Vont nous parler de ce cinéma qu’ils affectionnent tant des gens tels que Paul Verhoeven, Ronny Cox, Steven E. De Souza, Shane Black, Scott Adkins, Cynthia Rothrock, Sam Firstenberg, Bill Duke, Eric Roberts, James Bruner, Michael Jai White, Peter McDonald, Al Leong, Philip Rhee, Mario Kassar, Vernon Wells, Matthias Hues, Mark L. Lester, Brad Fiedel, Mark Goldblatt et bien d’autres. Outres les interviews, on a également des extraits de films ou des extraits de making of.

Bien que la ligne directrice de ce documentaire soit parfois un peu brouillonne et au final vaguement par ordre chronologique, In Search of the Last Action Heroes va évoquer bon nombre de choses. Il nous parle bien entendu de la Cannon, du cinéma d’exploitation ; de comment le genre action badass est arrivé ; du succès des films de ninjas au début des années 80 ; de l’importance de Schwarzy et Stallone à cette époque et de leur « rivalité », tout comme des réalisateurs Steven Spielberg et James Cameron ; de l’importance de certains films, tels que Rambo ou Terminator, de l’explosion de la VHS et de son importance dans le milieu du petit film d’action ; de l’importance de la musique et d’avoir un thème qui va rester en tête ; de la période martiale avec des films tels que Bloodsport, Best of the Best ou China O’Brien ; du réveil de la gent féminine où des actrices ont obtenus des rôles principaux badass à commencer par Sigourney Weaver (Alien) ou Linda Hamilton (Terminator), ou dans des rôles secondaires comme Rachel Ticotin dans Total Recall ; l’avènement des buddy movies avec des films tels que L’Arme Fatale ou Tango et Cash ; l’arrivée dans les années 90 des CGI avec des films aux budget pharaoniques mais qui ont calmé tout le monde tels que Terminator 2 ; l’influence du cinéma de John Woo et de sa façon de filmer qui a impressionné tout le monde ; puis bien entendu la chute de ce cinéma d’action badass dans la 2ème moitié des années 90 où les gros muscles ne faisaient plus recette et où on a vu arriver des acteurs moins « gonflés » tels que Tom Cruise ou Nicolas Cage ; comment l’avènement des CGI a changé la donne sur pas mal de choses ; le cinéma d’action des années 2000 qui a tenté de se renouveler, dans sa manière de filmer également ; ou encore le renouveau du cinéma d’action plus brut avec des acteurs tels que Scott Adkins, capable de faire ses cascades lui-même et de se battre, ou des acteurs badass genre Jason Statham, The Rock ou Gerard Butler.

In Search of the Last Action Heroes retrace donc tout un pan d’histoire. Bien qu’on regrettera qu’il ne s’attarde pas suffisamment sur de nombreuses bobines ou boites de productions qui ont fait les heures de gloire des vidéoclubs, avec des films tels que Action Jackson ou Action U.S.A. dans les années 80 ou des boites telles que PM Entertainment dans les années 90, c’est un réel plaisir que d’écouter tous ces acteurs, quel que soit leur rôle, parler de ce cinéma d’action qu’on regarde aujourd’hui avec un plaisir régressif non dissimulé. Les anecdotes sont nombreuses, on y apprend par exemple pourquoi le personnage de Mel Gibson dans L’Arme Fatale a été fait ainsi, le fait que Shane Black a depuis longtemps un scénario tout prêt pour un L’Arme Fatale 5, qu’on avait proposé à Ronny Cox de revenir sous forme de Robocop méchant pour Robocop 2. On nous explique comment le film Street Fighter est né, pourquoi Last Action Heroes est un film important, comment la démocratisation des CGI a repensé la façon de faire des films d’action, tout comme la shaky cam au début des années 2000. On y apprend que Cynthia Rothrock aimerait être au casting de Expendables 4 car elle a été la figure féminine emblématique du cinéma d’action américain dans les années 90. Brad Fiedel nous explique comment est né le fameux thème de Terminator ; Eric Roberts et Philip Rhee nous parlent des suites DTV de succès. Mais tout ce beau petit monde nous raconte surtout son amour pour ce cinéma d’action, avec passion, avec une certaine nostalgie, soit via des anecdotes parfois savoureuses, soit simplement en parlant des films ou de l’époque elle-même. Le fait d’avoir différents points de vue, aussi bien en termes de postes techniques (l’éventail est large) que de la génération des intervenants, est très intéressant et, bien qu’on eut aimé avoir la vision de certains intéressés qui reviennent régulièrement dans le documentaire (comme Schwarzenegger ou Stallone), on se laisse porter par ce qu’on nous raconte, le sourire aux lèvres. Les amateurs de cet âge d’or du cinéma d’action se sentiront comme dans des chaussons qu’on avait mis à réchauffer au coin du feu, bien, très bien même, et les 2h20 s’avalent d’un trait.

In Search of the Last Action Heroes est une véritable lettre d’amour au cinéma d’action des années 80/début 90. A l’instar de In Search of Darkness, on boit les paroles de ces gens qui ont fait ce cinéma que tous les quarantenaires connaissent parfaitement.

Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com