Last Flag Flying est l’adaptation du roman éponyme de Darryl Ponicsan (ce dernier en est également le co-scénariste). Ce texte en question est en fait la suite d’un autre roman : The Last Detail, adapté au cinéma en 1973 (La Dernière Corvée en VF – ce qui explique au passage le sous-titre « écho » présent sur l’affiche française La Dernière Tournée) par Hal Ashby avec dans les rôles principaux Jack Nicholson, Otis Young et Randy Quaid. Cela dit, Richard Linklater, réalisateur de films cultes hilarants (Rock Academy), d’une trilogie romantique tendre (les Before…), parfois « expérimentaux » (Boyhood), voire même étranges (A Scanner Darkly), n’a pas souhaité que son Last Flag Flying soit une suite du long-métrage d’Ashby. Avec son affiche française ringarde et datée (je n’arrive pas du tout à savoir si ce choix est volontaire ou non), le dernier film de Linklater est sorti discrètement chez nous malgré un casting masculin attirant : malgré la réelle sympathie que j’ai en général pour le travail de Linklater (qui a le mérite d’avoir une filmographie personnelle et variée), je me suis intéressée à Last Flag Flying principalement pour ton trio prestigieux.


Je ne dirais pas que le film est principalement sauvé par son casting et ses personnages (car je trouve toujours cet argument limité) mais il faut avouer qu’il s’agit au moins d’un point fort. Le trio formé par Steve Carell (décidément de plus en plus à l’aise dans des rôles dramatiques depuis Foxcatcher), Bryan Cranston et Laurence Fishburne fonctionne formidablement bien : il y a une belle complicité entre ces trois grands acteurs. Même s’ils tombent parfois dans un certain cabotinage (cela annonce déjà les réelles lourdeurs présentes tout le long du long-métrage), leurs interprétations sont remarquables. Leurs personnages sont tous très attachants, ayant chacun leurs histoires (la perte d’un fils, l’alcoolisme, la rédemption par la religion), leurs blessures et surtout leur propre vision du monde (ils sont, respectivement, médecin, barman et pasteur). Le propos en lui-même est plutôt « intéressant », notamment en établissant ce parallèle entre la guerre du Vietnam au cours des années 1970 et la guerre d’Irak dans les années 2000. Linklater dénonce plutôt bien l’absurdité de la guerre et surtout l’hypocrisie même de l’armée, qui parle d’héroïsme là où il n’y en a pas. Bon, il n’y a aucun génie là-dedans, ni dans sa démonstration ni dans sa mise en scène (mais j’imagine qu’on ne demande pas autant au réalisateur même si on l’a connu plus inspiré), mais je dois admettre que cela fonctionne un minimum.


Le long-métrage pointe alors du doigt les échecs des gouvernements américains depuis plus de trente ans : rien n’a changé et ce sont finalement avant tout de simples individus (avant d’être des soldats) qui en prennent plein la gueule à la place. En dehors de ces quelques éléments notables, je n’ai pas non plus trouvé ce Last Flag Flying bien fou contrairement à ce que j’ai pu lire et entendre à droite et à gauche. Oui, l’ensemble se laisse volontiers regarder, oui parfois on rit avec les personnages, oui il y a même éventuellement quelques petites scènes touchantes, oui quelques répliques sont bien senties. Mais je trouve ça assez limité ! La modestie et la sincérité même du projet n’excusent pas non plus certains défauts à mes yeux. Après, à l’origine, je n’aime pas non plus les oeuvres qui forcent trop sur la nostalgie : en dehors du fait que ce sentiment a tendance à me déplaire, la manière dont Linklater en parle est assez lourde. De plus, même si je n’irais pas à dire que je me suis ennuyée, le film m’a paru bien trop long par rapport au peu qu’il raconte. Je suis persuadée qu’il aurait gagné en force et en efficacité en étant plus condensé. J’ai également été assez déçue par l’aspect road-movie. Beaucoup y ont vu une certaine originalité car une partie du film se déroule dans le train : pour ma part, cela ne m’a pas particulièrement frappée. En général, le road-movie n’est pas uniquement un moyen de se déplacer physiquement et géographiquement, c’est aussi une métaphore d’une évolution des personnages : le voyage géographique doit leur faire prendre conscience de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils veulent changer. Si cet aspect est bel et bien présent dans le film, il reste tout de même traiter de manière assez faiblarde : la mise en scène de Linklater tout comme le scénario (assez prévisible) manquent de relief pour valoriser ce point qui me semble pourtant sur le papier assez important.


Oeuvre certainement honnête mais mineure et oubliable dans la riche et électrique filmographie de Richard Linkalter, Last Flag Flying n’est pas inintéressant mais est surtout porté par la justesse de son casting. Malgré la réelle sympathie dégagée tout le long du métrage, le discours sur cette Amérique ordinaire face à ses désillusions n’est pas suffisamment bien traité (en tout cas trop faiblement), ce qui explique certainement le peu d’intérêt que je peux porter à ce film.


[http://tinalakiller.com/2018/02/15/last-flag-flying][1]

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le 15 févr. 2018

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