Le réalisateur Shane Meadows (surtout connu pour This is England en 2006) et l’acteur Paddy Considine (désormais aussi réalisateur) sont amis depuis l’université. Ils ont collaboré ensemble sur des projets peu connus du grand public dont Dead Man’s Shoes, récompensé au festival du cinéma britannique de Dinard. Considine, également co-scénariste, incarne Richard. Partant à l’armée, il délaisse son frère cadet Anthony qui souffre d’un léger handicap mental. Mais Anthony se fait malmener par les délinquants de son bled et Richard revient pour le venger.
Les procédés utilisés par Meadows sont relativement simples sur le papier. Le montage alterne scènes du passé en noir et blanc (avec l’histoire d’Anthony) et scènes du présent (avec Richard qui veut péter la gueule à tout le monde). Si au premier abord Richard est un type qu’on n’aimerait pas croiser, ce montage permet de comprendre ce qui a pu se passer : rien n’excuse évidemment les actes de Richard mais, peu à peu, le spectateur comprend ce qui a déclenché autant de colère chez cet anti-héros.
Le film de vengeance est un genre toujours casse-gueule, qui peut atteindre rapidement ses limites. Dead Man’s Shoes parvient pourtant à sortir des sentiers battus en ne tombant pas dans des clichés ou des facilités. Il ne cherche pas non plus à en faire trop alors que certaines scènes, et même tout simplement certaines images, marquent les esprits. La scène du trip au LSD en fait partie tout comme l'apparition de Richard avec son masque à gaz. Le réalisateur opère des choix esthétiques brutaux qui frappent le spectateur, cependant jamais il ne cherche à en faire des caisses ; alors que quelques-uns auraient usé et abusé de cette image « bad ass » pour attirer un public « cool ».
Avec des images marquantes, on parle d’esthétique. Pourtant, en réalité, cette esthétique est très simple, à l’image du film : sans chichi, au plus proche d’une réalité sombre (et même grisâtre pour être plus exact), presque documentaire par certains aspects. Le film est angoissant et violent par son extrême réalisme, on a l’impression d’être aux côtés des personnages. La mise en scène ne cherche pas à non plus à être démonstrative, elle est assez directe, efficace, vive ; on sent Meadows impliqué, sachant où il mène son film.
Impossible de passer à côté de la brillante interprétation de Paddy Considine, acteur encore sous-côté et méconnu alors qu’il a tellement de talent. Dans le rôle du jeune frère, on reconnaîtra Toby Kebbell (qui, petit à petit, se fait une place), également excellent alors que son jeu aurait pu tomber facilement dans la caricature. Les autres acteurs sont pratiquement tous des non-professionnels (il y a même des membres de la famille de Considine dans le lot), et ils s’en sortent tous haut la main. Pour la petite anecdote, le film est dédié au père de Considine. Avant de mourir, il aurait dit vouloir une nouvelle collaboration entre son fils et Meadows. Et moi aussi j’aimerais revoir les deux artistes bosser ensemble…
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