Je n'ai pas pour habitude de déconseiller de voir un film... que je n'ai pas vu. D'autant que la censure n’est pas franchement ma tasse de thé, en plus d'être une méthode à l'efficacité tout à fait discutable. L'effet Streisand, etc. Mais ! Late Night With The Devil, s'il est semble-t-il un petit film d’horreur sympathique, que j'aurais regardé avec plaisir un soir, avec une bière en main, a été épinglé à juste titre par de nombreux spectateurs comme utilisant des visuels générés par intelligence artificielle. Tous les cartons de transition du faux programme TV, les “we’ll be right back” et compagnie, sont ainsi générés par IA, et non pas par des artistes. C'est à ma connaissance le premier cas à Hollywood. Il n'y avait donc pas moyen de faire autrement ?
Cette découverte n’a en tout cas pas été du goût de tout le monde, comme cela a été beaucoup mentionné par des utilisateurs d'un des équivalents américains de Senscritique, Letterboxd. Ici, en France, je n'ai jamais vu la critique, jusqu'ici. Pas ici en tout cas. J'y ai même vu des gens, habituellement très promptes à critiquer (à raison) les travers de l'industrie du cinéma, lui attribuer d'excellentes notes, sans évoquer le sujet qui fâche.
Et pourtant : si les spectateurs commencent à accepter de voir des visuels générés par IA dans les films et les séries qu’ils regardent, il n’est pas difficile de voir quelle pourra être la prochaine étape ; si tant est que l’IA en soit capable un jour, ce dont je doute personnellement. Mais il nous faut être prudent, et la levée de bouclier est donc salutaire, comme il en avait été de même récemment dans le jeu vidéo, à propos de doublages réalisés par des IA dans un jeu Naruto, par exemple.
Car l’IA générative commence déjà à bousculer le quotidien de beaucoup d'esprits créatifs. Quand les auteurs et autrices de science-fiction imaginaient l’intelligence artificielle au siècle dernier, ils entrevoyaient plutôt qu’elle nous remplacerait dans nos tâches les plus rébarbatives, pour justement laisser l’humanité se consacrer à la culture, à la création. N’est-ce pas exactement l’inverse qui est en train de se produire ? A savoir : l’IA essayant de mimer et remplacer les artistes pour nous laisser plus de temps pour consommer, et ce à un coût moins élevé pour ceux qui financent la culture sous toutes ses formes ? La vision néolibérale ultime en un sens : nous donner toujours plus de “choix” avec des contenus payants, produits à la pelle par des IA, des contenus adaptés aux plus près de nos “envies” selon des algorithmes, le tout basé sur des données que nous donnons gratuitement.
Vision effrayante à mes yeux, et en même temps déjà un peu familière quand on voit la quantité astronomique de contenus médiocres publiés sur les dizaines de plateformes de streaming désormais disponibles. Et puis, quand l'on sait sur la base de quelles théories particulièrement fumeuses les grands de la tech s'écharpent actuellement, rien n'a plus l'air d'être vraiment de la science-fiction. Alors autant anticiper et s'armer en conséquence.
Voilà donc une critique à charge. Une critique qui prend un point précis et généralise. C'est discutable, je ne le nie pas, et cela pourra ne pas être compris ici. Mais quand une évolution d'un médium que vous aimez vous choque particulièrement, il faut savoir taper du poing sur la table, à votre (mon) très petit niveau. 1/10, donc.
PS : si le sujet de notre rapport à l'IA générative vous intéresse, j'en ai écrit plus ici : https://tftt.ghost.io/tftt-0-conquistador/. Et plus récemment encore, ici : https://tftt.ghost.io/tftt-3-ia-avant/