Il m'aura fallu presque dix mois avant d'être capable d'écrire enfin quelques lignes sur Laurence Anyways. Peut-être que le choc a été trop grand, peut-être que j'avais besoin de prendre du recul. Je ne sais pas. Toujours est-il que ce troisième long-métrage du prodige québécois est un des quelques rares films qui m'aient profondément marquée et bouleversée au cours de ma vie.
Laurence Anyways, c'est une histoire d'impossible. Laurence aime Fred, et elle l'aime en retour. Mais Laurence désire devenir une femme et c'est là que l'impossible naît.
J'ai rarement vu un film d'une telle intensité. Xavier Dolan, nous y a pourtant préparés avec ses deux premiers long-métrages. S'il y a une chose que l'on doit retenir de J'ai tué ma mère ou des Amours Imaginaires, c'est bien la tension émotionnelle. Cette tension qui fait passer par tous les sentiments envisageables. Dire que Laurence Anyways est le film de la maturité me parait un peu prématuré puisque la carrière de Dolan n'en est qu'à ses débuts. Mais on peut assurément affirmer que cette troisième oeuvre se trouve un cran au dessus des deux précédentes
Laurence Anyways, c'est d'abord une histoire bouleversante. Celle d'un couple déchiré par le mal être de chacun. Un couple qui continue de vouloir évoluer ensemble lorsque ce n'est plus possible. C'est une histoire d'amour en dents de scie qui tend à accepter la réalité. Une grande histoire d'amour racontée pour que Laurence, Fred et le spectateur ne finissent par accepter qu'elle est impossible. Elle les aura profondément marqués, mais ils finissent par la fuir… et elle nous marque profondément par la même occasion.
Si le scénario est un premier atout, les acteurs en sont indéniablement le second. L'interprétation de Melvil Poupaud et de Suzanne Clément coupe littéralement le souffle à de nombreuses reprises. Je ne suis pas sûre d'avoir déjà vu au cinéma un film dans lequel les déclarations et les disputes résonnent encore autant en moi après plusieurs mois. Poupaud et Clément sont magistraux, ils rendent le film merveilleux. Ils sont la raison pour laquelle je regarde en boucle ce film qui me tord de douleur émotionnelle à chaque fois.
Et on ajoute à tout cela la photographie tellement particulière de Dolan. Cette façon de filmer qu'on aime ou qu'on déteste mais qui fait 'sa patte'. Sans oublier son don pour sublimer les femmes qui se confirme et s'accentue encore. Et que dire de cette bande originale à nouveau parfaite ? Qui peut encore écouter Moderat sans voir, dans l'euphorie, des vêtements tomber du ciel ? Ou encore être surpris que Suzanne Clément ne fasse pas une entrée fracassante lorsque les premières notes de Fade To Grey retentissent ?
Laurence Anyways fait partie de ces films dont on ne sort pas indemnes… de ces films dont on est heureux de ne pas êtres sortis indemnes.