Réalisateur prodige de 23 ans, 'Sieur Dolan a su prouver son précoce talent avec son malicieusement réfléchi J'ai tué ma mère et son esthétiquement ingénieux Les amours imaginaires. Cependant, ces deux fresques passées soufraient de nombreuses lacunes et d'un narcissisme bien trop ambiant. Le sujet de son troisième long-métrage n'avait rien d'anodin et pouvait laisser perplexe, la magnificence avec laquelle ce dernier est traité est une chose rare dans notre cinéma contemporain. Laurence Anyways c'est beaucoup de choses. C'est un homme qui, en une décennie, lutte pour devenir une femme, c'est une histoire d'amour peu commune et magnifique, ce sont des trouvailles insensées, ce sont deux immenses acteurs qui livrent une prestation à pleurer, ce sont des plans à couper le souffle dignes de tableaux des plus grands maitres... Si beaucoup estiment la réalisation trop lourde ils ne sont pas totalement dans leur tord. Ce pourrait réellement être le cas si cela ne participait pas au charme de l'œuvre. On fait contrepoids entre humour et drame, on apprécie les multiples frissons, on pleure devant tant de maitrise. Le film annoncé au départ comme très long, ne semble au final, durer que très peu tant l'état d'hypnose dans lequel entre le spectateur est puissant. Et pourtant, lorsque une triste pluie de feuilles mortes annonce la céleste fin, il nous semblerait que 10 ans ce sont bel et bien écoulés. Notre jeune talent brandit son pinceau et sur une toile vierge et blanche sublime un réel trop monotone. Est ici son chef-d'œuvre. Entre les séparations et les retrouvailles terribles d'un couple déchiré, le kitch et l'immonde goût québécois des années 80-90 trouvent une place propice et décalée. Laurence Anyways c'est la laideur et la beauté incarné. Laurence Anyways c'est sublime.