Xavier Dolan a 22 ans, il réalise Laurence Anyways. Moi, j'en ai 28 et j'écris des critiques nulles sur SensCritique… nous n'avons pas les mêmes valeurs.
Bref, sans trop de surprise, j'ai trouvé la photographie du film magnifique : Dolan sait déjà composer ses plans, et avec Yves Bélanger pour l'accompagner (Démolition, La Mule…), forcément que le film allait être irréprochable à ce niveau-là, même si c'est parfois un peu gratuit (c'est joli pour faire joli quoi). J'ai trouvé les premières scènes entre Laurence et Fred particulièrement réussies, lorsqu'ils font leur liste et se lancent dans des débats un peu nuls que, je suppose, chaque couple doit avoir, ou même un peu plus tard, lorsque Laurence révèle tout à Fred. Le choix du format, le 1,33, est, lui aussi, intéressant puisqu'il « emprisonne » les personnages tout en renvoyant directement à l'époque du 4/3, la majorité de l'action du film se déroule dans les années 90.
Forcément, l'action se déroulant il y a environ 30 ans, on se doute que son coming out risque d'être assez violent, d'être pour le moins incompris… et c'est le cas (pour rappel, comme le précise l'un des personnages du film, à l'époque la transidentité est encore reconnue comme maladie mentale). Le personnage incarné par Melvil Poupaud va subir une véritable descente aux Enfers, passant de prof apprécié qui gagne des prix à une personne jugée constamment par toutes celles avec qui elle croise le regard… il y a d'ailleurs un long silence, un long malaise, la première fois qu'elle rentre dans sa salle de classe habillée en femme… silence rompu par une question qui n'a rien à voir la transidentité (la « transformation » de Melvil Poupaud en femme est d'ailleurs impressionnante). Il y a d'ailleurs pas mal de petites phrases, de petites réflexions, en apparence anodines, qui se montrent bien plus violentes en réalité… ce qui finit par nous donner l'une des meilleures scènes du film d'ailleurs (celle du restaurant).
Le personnage incarné par Suzanne Clément va, lui aussi, accompagner Laurence dans cette descente aux Enfers (et peut-être même plus), pensant dans un premier temps que tout ce qu'elles ont vécues ensemble n'a pas existé, que « tout est à réinterpréter ». Concernant les personnages plus secondaires, il y a aussi les conflits avec la famille qui sont intéressants à observer, que ce soit celle de Laurence ou de Fred. Il y a de nombreuses critiques, du jugement, des remarques, même de la part de la lesbienne de la famille. La seule à finir par accepter la transition de Laurence, non sans aucun mal, est sa mère, incarnée par Nathalie Baye… qui a droit à ma réplique préférée de tout le film :
– J'ai jamais eu l'impression que t'étais ma mère. – J'ai jamais eu l'impression que t'étais mon fils… par contre, j'ai l'impression que t'es ma fille.
Le film a tout de même fini par me lasser. Disons qu'il utilise ses « meilleures cartouches » en première partie, en plus de finir par se révéler moins surprenant durant la seconde. Il y a bien le groupe de queer, les five roses, que j'ai beaucoup apprécié suivre, pour leur détachement et leur excentricité, mais clairement, je n'ai pas été aussi captivé que durant la première partie.
Dans l'ensemble, j'ai tout de même beaucoup apprécié le film. Surtout que l'amour et la transidentité ne sont pas des sujets qui me parlent tant que ça d'habitude (mais je pense que ç'a dû se voir dans ma critique de toute façon). C'est un long-métrage que je recommande rien que pour sa photographie et le duo Poupaud/Clément de toute façon. Bref, si un connard antipathique comme moi arrive à apprécier ce genre de film, malgré ses trois heures, je pense que n'importe qui d'autre peut aussi lui donner sa chance.