Chaque année, on découvre les courts métrages de l'Ecole des Gobelin qu'on analyse comme le beaujolais nouveau du cinéma d'animation français. Plus qu'être la meilleure école au monde en terme d'animation, c'est un établissement qui offre beaucoup de liberté et de connaissances à leurs élèves au point que beaucoup des courts métrages qui y sont produits deviennent des objets d'attention particulière en festival, comme le très bon Mum's Sweater. Cette année, l'un des groupes de promotion des Gobelins a réalisé un court métrage, Layla, abordant du thème de la curiosité des enfants vis-à-vis du monde des adultes, et notamment au sexe. On pourrait dire que le sujet tombe mal dans une année qui a réussit à Loïc Espuche et son Beurk !, présenté en première international à la Berlinale et actuellement en course pour les Oscars, mais cela attise toujours la curiosité. En effet, rares sont les projets et les réalisateurs à questionner le rapport que peut entretenir le spectateur au sexe et à la sexualité, la majorité préférant souvent cantonner le genre à un acte mature et subversif (à ce compte là, on peut mentionner le court métrage Vulvine Reine d'extase qui avait aussi été réalisé par une promotion des Gobelins). A une période où le rapport au corps et au consentement n'a jamais été autant au cœur de l'actualité, on peut voir en ces projets (comme Beurk !, Layla, ou même la prochaine série Mutant(e)s de Ikki Films) des œuvres précurseurs et modernes sur les questionnements quant à l'éducation que l'on doit offrir aux génération futur... mais ça ne nous dit pas si Layla réussit son paris ?


Tout le film repose sur la confrontation entre le regard d'enfants qui pensent être dans le monde des adultes et apprennent à redescendre dans le monde des enfants, et le regard adulte du robot qui va trouver en ces enfants une façon d'affronter au mieux le monde des adultes. Ce qui est très intelligent, c'est qu'il n'y a pas besoin de répliques creuses et trop explicatives pour raconter l'objectification de la femme dans la société, ni même pour parler d'une manière saine d'approcher la culture du sexe pour un jeune âge. Par le besoin des enfants d'apprendre, on est amené à voir comment les enfants peuvent comprendre le monde des adultes, et remettre en question la programmation du robot qui, à l'image d'un Robot Sauvage, racontent beaucoup de choses sur la manière dont les inventeurs et les consommateurs entretiennent une certaine image du sexe et du rapport à la femme. On en vient à avoir des scènes vraiment touchantes d'humanité lorsque les enfants tentent d'apprendre ce que peut être le plaisir (et en échouant dans leurs recherches orthodoxe), ou lorsque ces derniers trouvent enfin un plaisir mais qui brise toutes les conventions (de la même manière que certains ont pu trouver une autre utilité aux outils contraceptifs). Tout est question de plaisir régressif et la réalisation en elle-même, par ricochet, devient un plaisir régressif pour les réalisateurs qui y insuffle certains design des cartoon jeunesse des années 90/2000 (Funky Cops, Code Lyoko, La cour de récré...). Peu être que l'animation est un peu trop mécanique et que certains contours peuvent paraitre raide et épais, mais cela participe, volontairement ou non, au charme de ces séries faites à la main.


Maintenant, cela n'empêche pas d'avoir quelques soucis avec le rythme assez inégal de l'ensemble qui, passé la découverte du robot, donne l'impression de toujours redescendre tant les enjeux sont de moins en moins perceptible. On a beaucoup trop souvent l'impression que les réalisateurs ont joué à avancer malgré les contraintes, plutôt que d'épouser ces contraintes et d'expérimenter. On le voit surtout durant les phases de dialogues entre personnages, où l'on sent les efforts pour prouver outre mesure des capacités techniques indéniables, et cela vient souligner le manque d'expérience des réalisateurs qu'on est sensé oublier par la suite. Évidemment qu'on peut le voir par endroit, notamment au début quand il va s'agir d'animer des personnages en plein dialogue, mais c'est dommage de ne pas assumer 100% son dispositif. Cela n'enlève en rien un très bon court métrage prometteur et plein de tendresse.


13,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis

Youdidi
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le 27 nov. 2024

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