Le jeune Kubrick veut tout dire, veut tout faire (réalisateur, caméraman, monteur) et il a une heure pour le prouver. La trame sera celle d’un film noir, avec ses codes, (un jazz constant, des types un peu figés) auquel il ajoutera un dénouement plutôt guilleret. Convenu, sans grande ambition, le récit semble un prétexte sur lequel vont se greffer les obsessions visuelles de l’apprenti. Tout au plus pourra-t-on remarquer un recours séduisant à la voix off, qu’on retrouvera dans l’Ultime razzia, et un travail sur le récit emboité avec le récit de la jeune femme et sa propre voix pour le relater.
Dès le départ, l’intrigue se fonde sur le vis-à-vis, à l’honneur dans Rear Window l’année précédente. Fenêtres et écrans se multiplient : en parallèle du dancing, le match de boxe crée un écho à deux chorégraphies qui vont converger, la première étape en étant la retransmission télévisuelle du match auquel assiste Gloria. Davey deviendra le voyeur de l’appartement de Gloria lorsqu’elle dort, puis du sien propre lorsque la police vient l’y chercher. Toutes les expériences visuelles se multiplient alors, avec plus ou moins de bonheur : vision à travers un aquarium, verre jeté sur la caméra qui se fend…
Mais c’est dans le rapport des protagonistes aux décors que Kubrick excelle. L’image récurrente des escaliers du dancing, point de fuite barré par l’écriteau « Watch your step » est en cela programmatique. La ville est une impasse, et chaque obstacle peut y faire chuter à tout moment celui qui l’arpente. La poursuite finale, avant le dénouement peu convaincant, alterne entre des extérieurs oppressants et barrés par l’orthonormé (fire escapes, buildings, impasses démesurées) et des intérieurs anxiogènes : entrepôts, ascenseurs, et bien entendu cette fameuse réserves de mannequins. Il est aisé de retrouver ici des ébauches de ce que seront les grands films à venir. Si la forme l’emporte sur le fond, la fascination est réelle et fortement prometteuse.
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