Difficile de critiquer ce Bal des vampires vu une première fois enfant, une seconde adolescent et une troisième fois adulte lors d'une session Halloween récente. Ce 4ème long métrage du réalisateur d'origine polonaise passé par les états-unis, la France et la case prison, classé dans les catégories comédie/horreur, ou même parodie, c'est limiter fortement ce Bal des vampires qui est plutôt un hommage aux films du genre, c'est-à-dire aux films de Vampires de Hammer Films Production et des autres. Le vampire en question ici n'est pas Dracula comme dans les films de la Hammer, c'est le comte Von Krolock.
Le lion de la MGM se transforme en vampires, et le générique commence avec la goute de sang qui coule sur le déroulement du casting. Mémorable. La scène d'introduction, qui nous rappellera le génial Sleepy Hollow tourné quelques dizaines d'années plus tard avec des voyageurs qui se rendent en traineau dans une région obscure d'Europe de l'est et sont poursuivis ici non pas par un cavalier sans tête mais par des loups. On reconnait le professeur Foldingue-Einstein et son assistant Roman Polanski pour les intimes. Quelques coups de parapluie - Monsieur Williams ? - suffiront à faire fuir les loups. Le traineau, qui n'est pas celui du père Noël arrive à l'auberge tenue par le juif Yoine Shagal joué par Alfie Brass qu'on pourrait qualifier de caricature du juif, il rappelle évidemment le Shylock du Marchand de Venise de Shakespeare ou Ebenezer Scrooge (qui n'est pas juif) de Dickens, mais ce serait ignorer que l’interprète génial était également juif. Seulement ceux qui voudront crier à l'antisémitisme de Polanski n'auront qu'à se rhabiller, ce n'est pas seulement qu'il a des amis juifs. Il est lui-même juif et rescapé du ghetto de Varsovie, dont une partie de sa famille n'a pas échappé.
Enfin bref, cet aubergiste juif génial n'est pas seulement avare, mais il est aussi pervers - comme l'est d'ailleurs l'assistant du professeur Van Einstein qui n'est autre que Polanski lui-même, bien plus pervers dans la vraie vie, qui regarde ici par le trou de la serrure quand Sharon/Sarah Tate prend son bain - marié à une rombière des plus repoussantes, il a porté son dévolu sur la jeune serveuse de l'auberge.
Qu'on ne s'y trompe pas, le mythe du vampire a une signification claire : il est très proche de celui du Loup Garou à qui on l'a opposé récemment, qui vient lui-même de l'histoire du petit chaperon rouge - voir La compagnie des loups, vu récemment, pour ceux qui suivent. Le vampire comme le Loup Garou, c'est-à-dire le Grand Méchant Loup, c'est l'homme, le pervers, le sodomite, celui dont les jeunes femmes doivent se méfier et dont les filles doivent avoir peur. À l'opposé l'assistant, bien que clairement pervers sur les bords est aussi présenté comme naïf. Les choses ne sont pas si simples dans la réalité. Le professeur quant à lui est obsédé par ses vampires et n'a que faire du sexe opposé, ni du même sexe d'ailleurs, par comme le fils du compte qui est clairement Gay comme on dit aujourd'hui.
Le professeur lorsqu'il arrive dans l'auberge est frigorifié de sorte qu'on pourrait le croire raide mort, mais se réveille et remarque tout de suite les gousses d'ail qui sont accrochées un peu partout dans l'auberge. Qu'on ne s'y trompe pas : ils sont tombés au bon endroit.
Le premier vampire fera son apparition en attaquant la pauvre Sharon Tate / Sarah qui n'a pas eu de chance, puisque un vampire, réel celui-là aura sa peau dans la vraie vie, le terrible Charles Manson, sorte de Raspoutine états-unien, par l'intermédiaire de sa secte de Hippies fanatiques. Qui a dit que les Hippies étaient gentils ?
Certaines scènes sont tournées au ralenti, d'autres en accéléré. C'est le cas notamment lorsqu'il y a des attaques de vampires. Si ces scènes ne m'ont pas effrayé le moins du monde à l'état adulte, enfant, et même adolescent, je leur reconnaissait un certain piquant, c'est pourquoi il n'est pas simple de qualifier le film de parodie plutôt que d'hommage. Dommage en effet, de le réduire à cela. Certes, il y a quelques défauts, quelques longueurs, mais dans l'ensemble, quelle maitrise technique, tant au niveau des acteurs, que des décors. Le seul problème est peut-être au niveau du montage, et la fin magistrale qui nous montre que, le narrateur étant le comte lui-même, le film se déroule sous nos yeux du point de vue du vampire que le nigaud Polanski n'aura pas été capable de tuer et qui en deviendra un lui-même. Vampire, pas nigaud.
Car c'est la la qualité de ce chef d'œuvre de Polanski que de raconter une histoire de vampire du point de vue des vampires et pas des humains. Les humains sont ici sujets au sens de cobayes de l'expérimentation. Car les histoires de vampires traitent-elles des vampires ou des humains eux-mêmes ? Du Polanski au sommet de son art comme dans Répulsion, Rosemary's Bay, Chinatown, Le locataire, Tess, Pirates. Le reste est anecdotique.