Voyage au bout de l'enfer
Un film puissant, certainement un des meilleurs huis clos qu'il m'a été donné de voir, premier film notable de Wolfgang Petersen vu dans sa version Director's Cut de 3h30, il ne dispose pourtant d'aucunes longueurs, la durée du film peut en rebuter certains mais croyez moi n'en tenez pas rigueur, ce sont 210 minutes de véritable plaisir.
Petersen choisi un thème peu exploité au cinéma, en prenant comme protagonistes des sous-mariniers allemands en pleine seconde guerre mondiale, et malgré l'idéologie divergente on se prend d'affection pour eux, on les voit vivre, manger, dormir, discuter dans une froideur d'image pétrifiante. On est littéralement immergé dans ce tas de ferraille attaqué de toute part par la flotte anglaise, la tension est constante, les regards remplis de terreur, les couloirs sont étroits et crasseux, on se sent vraiment écrasé par le décor et cette pression. Les silences sont perturbants, on entends cette taule craquer, les boulons sauter comme des bouchons de champagne, les bips du sous-marin, l'ambiance est ultra oppressante ...
La psychologie des personnages est vraiment travaillée au rasoir, leur sensibilité et leur peur sont admirablement retranscrites, Petersen fait de sa mise en scène une orfèvrerie, et il peut compter sur le talent de ses acteurs, notamment l'excellent et charismatique Jürgen Prochnow en capitaine tentant de mener sa barque malgré l'angoisse et la torpeur débordante de son équipage.
Cette scène de la plongée du sous-marin est inoubliable, l'aiguille du tableau de bord qui chute inexorablement, la sueur qui coule, les suffocations, les regards perdus, la mort qui rôde ... Un grand moment d'immersion, on ne respire vraiment plus, on est avec eux dans le bateau ... Puis vient ce final au combien ironique qui démontre un fatalisme déconcertant et bouleversant, la quête de ces héros revenus de l'Enfer des profondeurs pour y redécouvrir la cruauté et la réalité de la guerre terrestre, le film se termine sur une note émouvante bien qu'étonnante pour nous de s'être autant pris d'affection pour un équipage de l'armée nazi, le film est humaniste avant tout.
"Le Bateau" est un long métrage vraiment exceptionnel, une véritable expérience immersive et introspective qui malgré ses 3h30 fascine à chaque minute qui découle sans aucun sentiment de lassitude, une vraie pépite à découvrir !