L'histoire se rappelle de Demille comme étant un fervent anti-communiste, ce qui est loin d'être faux. La carrière du metteur en scène est ponctuée d'anecdotes montrant son aversion pour les Rouges, à commencer par son soutien inconditionnel au sénateur McCarthy dans sa chasse aux communistes à Hollywood. Cette position politique, jugée par beaucoup comme fort excessive, lui valut en fin de carrière de se mettre à dos un grand nombre de réalisateurs, Joseph L. Mankiewicz en tête, lors de la fameuse réunion des réalisateurs à l'hôtel Beverly Hills.
Pourtant, malgré les apparences, DeMille n'est pas tout à fait l'anti-communiste que l'on pourrait croire...
Les Bateliers de la Volga
Durant l'âge d'or hollywoodien, si de nombreux artistes à Hollywood sont proches des mouvements et idéologies« socialistes », peu osent encenser le communisme dans leurs films, ou alors de manière diffuse, par crainte de s'attirer les foudres des comités de censure.
L'un des seuls films hollywoodiens anciens apportant une analyse directe et nuancée du communisme est Les bateliers de la Volga, film racontant la romance entre un batelier et une princesse pendant la révolution russe. Le film, s'il n'hésite pas à montrer certains excès des révolutionnaires, montre également une certaine sympathie pour leur combat et leur idéaux. D'ailleurs, à la fin du film, la princesse préfère finalement vivre dans le nouveau régime porteur d'espoir que de s'exiler.
Ce qui est amusant , c'est que lorsqu'on regarde le nom du réalisateur de ce long-métrage, on réalise qu'il ne s'agit ni plus ni moins que de Cecil B. DeMille lui-même. Le réalisateur le plus anti-communisme réalisant l'un des films américains les plus bienveillants envers la révolution de 1917, il n'y a que DeMille capable d'un tel paradoxe. Cela démontre également une certaine ouverture intellectuelle de l'homme là où ses détracteurs l'ont toujours réduit à cette image de vieux réac' anti-rouge.
Cecil au Pays des Soviets
Mais les affinités de DeMille avec le régime communiste ne s'arrêtent pas là vu que le metteur en scène est également l'un des seuls de sa génération à décider en 1929 de partir en vacances... en Russie, soucieux de voir ce qu'il s'y passe et pourquoi pas, d'y réaliser un film.
Car à cette époque, DeMille est un cinéaste indépendant. Ayant cassé son contrat cinq ans auparavant avec la Paramount, DeMille vogue entre divers studios et films indépendants, sans toujours rencontrer un grand triomphe. L'idée d'une bouffée d'air dans le cinéma russe ne lui déplairait pas. C'est d'ailleurs pour cela qu'à Moscou, en plus d'assister à de nombreux ballets et opéras, il est en contact avec des producteurs locaux qui lui proposent de réaliser un film. Toutefois, DeMille refusera pour des raisons de budget et surtout, selon ses dires, car il préfère faire un film sur la Russie dans les studios hollywoodiens et non sur place. On note avec DeMille toujours ce sens théâtral de la réplique.
Cependant, après son long voyage (le réalisateur visitant de nombreuses villes) DeMille reviendra à Hollywood et ne tournera jamais de films sur la Russie. Les Bateliers de la Volga restera donc son unique incursion dans le pays des tsars et l'on continuera de rêver à ce qu'aurait pu donner sur grand écran son film russe.