Cette adaptation ambitieuse et inégale du fameux roman de Stephen King contient autant de qualités qu'elle ne possède de défauts. En effet si Bazaar le livre constitue l'un des chefs d'oeuvres du maître de l'horreur ( avec Misery, Marche ou Crève, Jessie et quelques autres...) cette petite série B aux allures de téléfilm n'arrive décidément pas à la cheville de l'oeuvre originale. Ramassés sur un peu moins de 120 minutes les évènements et les personnages du roman sont ici comme traités par-dessus la jambe par Fraser Clarke Heston, réalisateur ayant visiblement cherché à synthétiser cette passionnante relecture du pacte avec le Diable au lieu de l'approfondir véritablement. Il en résulte un long métrage sympathique à suivre mais fort peu incarné émotionnellement, escamotant certains passages capitaux du roman de King ( essentiellement dans sa seconde partie, notamment dans son dénouement très différent et plutôt banal en comparaison de celui du livre ) et manquant d'habiletés dans sa narration ultra-conventionnelle...
Il va sans dire que Bazaar est à la base un roman d'une rare ambition, capable de développer la psychologie d'une bonne douzaine de personnages et de reconstituer la vie et le quotidien de toute une petite bourgade américaine du nom de Castle Rock. Ici Fraser Heston se concentre principalement sur seulement quatre ou cinq personnages ( le shérif Pangborn, sa fiancée Polly Chalmers, la simplette Nettie Cobb, le paranoïaque Buster et bien sûr Leland Gaunt...) pour mieux homogénéiser l'écriture éclatée, disparate voire digressive de Stephen King. Par ailleurs la direction artistique, relativement travaillée quant aux décors représentant un personnage en particulier ( la ferme de cul-terreux des Jerzyck, le bazar poussiéreux de Gaunt voire la baraque portuaire de Buster - constituant une pure invention d'adaptation cinématographique inutile de la part du réalisateur ) reste aujourd'hui terriblement vieillotte et peu aguichante à l'oeil. En revanche le casting est l'un des principaux attraits du film : de Ed Harris jouant le flegmatique Pangborn à Max Von Sydow incarnant le Malin décharné en passant par J.T Walsh campant un trouble et bedonnant Buster l'apparat physiologique du roman est ici particulièrement bien retranscrit par l'équipe artistique...
Le Bazaar de l'épouvante est donc un film fort de quelques qualités : son casting donc, sa relative fidélité à la fable originale ( mais pas exempte de nombreux sacrifices au seul nom du format métrage : personnages fantômes voire absents du film tels que le redoutable Ace Merrill ou le sportif Lester Pratt...) ou encore sa bande originale efficace signée Patrick Doyle ; Fraser C. Heston n'use pas trop d'effets spéciaux grotesques et démonstratifs qui plus est... Il reste toutefois assez platement filmé ( empêchant à maintes reprises l'émotion de s'installer ) quand il n'est pas tout simplement prévisible. La noirceur du roman est bien moindre à l'écran, tout comme la profondeur psychologique des personnages principaux ( le pire concernant le shérif Pangborn, réduit ici à la figure stéréotypée du flic héroïque, lisse et creux ).
Le Bazaar de l'épouvante reste donc un honnête divertissement au potentiel indiscutable mais forcément gâché par son format métrage. Le film aurait gagné à être plus long et plus développé voire construit en deux parties de deux heures chacune ( à l'instar du roman ). L'idée d'une série TV s'articulant sur un ou deux personnages par épisode est également envisageable, pourvu que la dimension psychologique n'y soit pas dénaturée à des fins commerciales. A voir de préférence avant de lire le roman pour mieux apprécier les qualités sans s'attarder sur les défauts : un film inégal, parfois bâclé mais correct dans l'ensemble.