Ah ouais, c’est… différent des précédents westerns de Sergio Corbucci que j’ai vus…
Alors il se trouve que celui-ci serait sa dernière contribution au genre, donc peut-être avait-il à ce moment-là de sa carrière le sentiment du devoir accompli, celui d’avoir gratifié le western de suffisamment de titres notables pour s’autoriser cette farce inconséquente ; mais j’avoue que mater ce Blanc Jaune Noir après avoir vu ses Django, Le Spécialiste ou Le Grand Silence laisse perplexe.
Et cela dès son introduction, assez affreuse il faut le dire, qui en deux minutes (littéralement les deux premières du film), t’aligne le temps d’une tirade lunaire quinze références à des titres/réals de westerns fameux. Le film a commencé depuis à peine deux minutes, tu viens déjà de te prendre dans la gueule cette logorrhée de références pas drôle : tu commences sérieusement à suer et à te demander si tu es pas en train de faire une connerie.
Réponse : si, bien sûr. Mais c’est seulement après dix minutes de film que tu t’en convaincs, c’est-à-dire lorsque débarque le personnage de Tomás Milián… grimé en japonais geignard et à moitié demeuré… et là, putain… j’étais pas prêt pour cette yellowface (sic) de l’enfer… doux Jésus… le mec le joue comme un proto-Jar Jar Binks option accent caricatural, c’est absolument fascinant et gênant. Alors j’ai vu le film en VF (ce qui n’est pas du tout mon habitude, mais le DVD emprunté à la bibli ne me laissait pas d’autre choix) mais bordel, vu les grimaces pas possibles que tire Tomás Milián, je parie une couille qu’il en fait autant des caisses dans la version originale.
Quand tu te dis que quatre plus tôt, le Soleil Rouge de Terence Young, avec un pitch comparable, te proposait un Toshirō Mifune alpha et digne dans le rôle du Jaune de l’histoire, tu te dis qu’ici les gars ont vraiment déconné. Je suis pas du genre à m’offenser de ce type de représentations (a fortiori pour un film vieux de cinquante ans), mais là c’est vraiment chaud.
(Après, pour être parfaitement honnête, le mec pousse le bouchon tellement loin dans la caricature que j’avoue avoir explosé à quelques reprises devant ce spectacle – mais ces quelques instants de faiblesse mis à part, sa performance est d’un embarras absolument ahurissant.)
Après, ça va, cette énorme faute de goût digérée, la mise en scène de ce Blanc Jaune Noir est globalement plus rigoureuse que bien d’autres westerns humoristiques de la même époque (genre le Un génie, deux associés, une cloche de Damiano Damiani sorti la même année), la musique des frères De Angelis s’avère ponctuellement sympa (sans arriver, bien sûr, à la cheville des partitions d’Ennio Morricone ou même de Luis Bacalov), Eli Wallach a foutrement la classe en cowboy sexagénaire (et il se compromet vachement moins ici que ne se compromettra quatre ans plus tard le cowboy sexagénaire Kirk Douglas dans la chiasse Cactus Jack) et, enfin, quelques gags/répliques fonctionnent bien et m’ont arraché quelques rires francs.
Du coup, ça va, le bilan est pas honteux non plus et, quelque part, le pire défaut du film a l’avantage d’être tellement taré que je suis sûr qu’il va me le rendre inoubliable.