Le versant muet de la carrière de Jean Renoir ne semble pas rempli de pépites à première vue... Vraisemblablement en difficulté à la fin des années 1920, il accepte cette commande du gouvernement général d'Alger dans le cadre des commémorations du Centenaire de l'Algérie française, constituant à ce titre son dernier muet. Ce qui est considéré à l'époque comme "une œuvre d'utile propagande coloniale" présente en effet la colonie comme un territoire un peu paradisiaque, fertile, source de richesses diverses, avec les colonisés au service des colons dans les règles de l'art colonial. Cette vision peuplée de motifs rétrogrades baigne évidemment dans son jus passé, mais finalement ce n'est pas le point le plus noir dans "Le Bled", qui sans pour autant s'approcher du documentaire propose de nombreux inserts bruts sur la vie quotidienne, à la ville et dans les champs, portraits de la population qui eux échappent au regard du point de vue dominant. La principale faiblesse tient bien davantage à la niaiserie de la trame, montrant un jeune homme venu à Alger pour soutirer de l'argent à son oncle qui rencontre sur le paquebot une jeune femme venue pour découvrir un testament (elle sera l'héritière d'un riche colon, provoquant dans la foulée la colère des cousins déshérités). Romance bancale et poussive ne menant nulle-part d'intéressant, Renoir ne sachant pas qu'en faire, hormis peut-être jusqu'à la dernière séquence, surprenante : une partie de chasse à la gazelle, avec 4x4 et chevaux, qui se terminera en course-poursuite improbable à dos de dromadaires... Avec en prime attaque au faucon pour mettre un terme à la cavale des méchants. On n'attendait pas forcément Renoir sur le terrain de l'action et de l'aventure, mais c'est sans doute un des temps forts les plus réussis du film.