Légendaire, tout simplement.
Le Bon, la Brute et le Truand, le film considéré comme la quintessence même du genre qu’est le « western spaghetti ». L’opus de Sergio Leone qui clos sa mythique Trilogie du dollar (avec Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus). Le long-métrage que tout fanas de ciné se doit avoir vu au moins une fois dans sa vie. Si ce n’est pas le cas, hâtez-vous de ce pas ! Et si vous n’êtes toujours pas convaincus, et bien, laissez-vous donc persuadez !
Quintessence du western spaghetti, et pour cause : Le Bon, la Brute et le Truand reprend tous les codes de ce sous-genre du cinéma hollywoodien pour les valoriser comme jamais cela n’avait été fait auparavant. Je m’explique : le western avait pour but de dresser une image du rêve américain, de valoriser le pays de l’oncle Sam au possible, de faire gagner le Bien (représenter par des héros sans reproche) contre le Mal (des méchants tout cradingues). Les clichés que l’on retrouve dans tous les gros blockbusters américains, en quelque sorte. Pour ce qui est du style spaghetti, c’est bien tout le contraire : pas de valorisation d’une nation ou de quelconque héros, aucune différence entre les protagonistes et les antagonistes, tout ce règle par la violence, dialogues outranciers… Comme si l’Ouest sauvage n’était pas le paradis que l’on nous avait présenté depuis des décennies. Et cela, Le Bon, la Brute et le Truand exploite cela à merveille !
Rien que pour son histoire et son titre quasi trompeur. Un script qui met en avant trois hommes qui ne se ressemblent pas et qui vont pourtant se croiser (voire se battre, s’utiliser l’un l’autre…), chacun étant sur la trace du même trésor. Une quête qui se fera durant la Guerre de Sécession (Leone use pour la première fois d’un fait historique comme fond à son histoire), période peu glorieuse des Etats-Unis où des Américains s’entretuaient (pas de valorisation du pays, ça, c’est fait !). Et ces trois personnages que l’on va suivre pendant tout le film, ils n’ont franchement rien de bien rassurant : un Bon qui mérite ce nom rien que pour sa malice au service de son propre enrichissement, une Brute qui tue plus par plaisir que par nécessité et que tout le monde redoute, et un Truand qui ne pense qu’à trahir son prochain et se venger juste pour en tirer ne serait-ce qu’un minimum de profit. Trois antihéros donc qui n’ont rien des John Wayne et autre Gary Cooper que l’on connait. Trois personnages aux antipodes des westerns classiques idéaux pour ce film et qui servent à merveille le divertissement que Leone nous sert là.
Un western, il faut le reconnaître, se montre longuet par moment. Surtout si l’on a vu la version longue, ponctuée de changements de doublages pour chaque scène ajoutée vraiment agaçants, qui peut se révéler être inutile. Quelque part, cela peut donner un peu plus d’ampleur à certains des personnages (comme le truand Tuco lors d’un monologue). Mais cela rallonge un film (15 minutes en plus pour un total de 2h58) qui méritait déjà d’être plus court. Qui aurait bien pu nous épargner une séquence de désert qui semble interminable, par exemple. Sans omettre le fait que les films de Sergio Leone se démarquent également par la longueur des séquences due à la mise en scène du réalisateur. Si l’on aime des longs-métrages qui vont droit au but, il est normal que Le Bon, la Brute et le Truand puisse en faire fuir plus d’un, et ce dès le début (une intro d’une demi-heure qui sert de présentation à nos trois protagonistes).
Mais cette prise de temps peut également bien des avantages. Et sur ce, Sergio Leone l’utilise pour valoriser les effets de profondeurs (un personnage faisant face à son adversaire qui se trouve loin en arrière plan, mise en valeur de l’horreur de la guerre de Sécession durant la séquence qui lui est consacrée, l’immensité des décors comme le désert sans pour autant les magnifier…), créer une bonne dose de suspense lors des face-à-face (surtout le dernier, qui se déroule en tant que duel à trois), et surtout de donné du style à ce film. Un style aussi bien visuel que sonore.
Et puis, Le Bon, la Brute et le Truand ne serait rien sans ses deux atouts majeurs : son casting et sa bande originale. Pour le premier, la distribution voit réunir un véritable trio de choc avec Clint Eastwood (pour certains fade et inexpressif, mais apportant justement ce qu’il faut pour contredire son statut de Bon pour être à l’image du western spaghetti), Lee Van Cleef (avec un regard véritablement inquiétant) et Eli Wallach (qui apporte à sa façon un second degré à l’ensemble, déjà enrichi par une bonne dose d’ironie). Quant à la musique, elle est tout simplement légendaire ! Le morceau le plus mémorable de tous les westerns qui puissent exister et qui a été repris et réadapté sous toutes les formes. Et cela, on le doit à un compositeur de génie qu’est Ennio Morricone.
Bref, Le Bon, la Brute et le Truand, premier opus chronologique de la Trilogie du dollar (c’est dans ce film que le personnage de Clint obtient son fameux poncho), mérite amplement son statut de grand western. Et surtout, il a de quoi être fier : faire hisser un genre de série B (le spaghetti étant de qualité inférieure au western basique) au summum de ce qui s’est fait dans le 7ème art. Tout simplement légendaire !