L’extrême émotion lorsque je suis sortie du Bonheur est pour demain de Henri Fabiani. Une seconde claque. Une claque encore plus forte que la première, quand ce film tourné à Saint Nazaire passe au cinéma Jacques Tati de la même ville.
La première fois, j'y étais sortie les yeux illuminés, envahie par un bonheur intense.
Cette fois-ci c'était plus que ça. Une claque. Une claque immense. Et l'émotion qui ne veut pas partir, qui ne veut pas s'enfuir lorsque je traverse la foule aux cheveux blancs du cinéma pour rentrer chez moi.
Ce film, en le voyant une deuxième fois, a réveillé en moi quelque chose de très fort. Une reconnaissance dans le personnage de Alain, joué par Jacques Higelin lorsqu'il était tout jeune, incroyablement beau.
C'est merveilleux lorsque le cinéma va jusqu'au point de nous parler profondément, lorsqu'il fait miroir, et encore plus lorsqu'il est révélateur de nous-mêmes.
Le cinéma a aussi ce pouvoir, magnifique, magique, de faire parler à notre place. De faire miroir. Et c'est incroyable.
Mais au fond, lorsqu'on regarde un film qui nous a ému, n'est-ce pas parce qu'il nous parle, même inconsciemment ?
Le bonheur est pour demain est un film très simple. Un garçon et une fille qui se rencontrent, qui s'aiment, sur fond de chantier et de grue à Saint Nazaire. Un questionnement sur la vie, sur le monde du travail, sur l'amour, le bonheur, la peur de vivre. Il y a une scène incroyable sur les chantiers, où l'on voit un flot d'ouvriers partants pour bosser, un amas de monde, et l'incroyable voix de Jean Martinelli qui parle et parle, et dis des mots magnifiques, avec cette façon magnifique qu'il a de les prononcer et alors la gorge se serre, les yeux se mouillent, et l'émotion est là, sublime.
Saint Nazaire filmée par les yeux de Henri Fabiani provoque une intense poésie, et la musique amplifie amplement cette poésie, cette beauté qui figure tout le long du film, avec ces dialogues à couper le souffle.
Et ce film, encore une fois, grâce à son époque, s'inscrit encore une fois dans la Nouvelle Vague, du fait de ces dialogues magnifiques, de ces façons de parler où les acteurs détachent les mots, les syllabes. Et c'est tout simplement incroyable. L'émotion provoquée par la musique, les dialogues, le détachement des syllabes, des voix. Et cela donne un film d'une profonde perfection.
Cette phrase prononcé par Jacques Higelin, avec cette voix, avec cet air, avec ces yeux, avec cette intonation bouleversante :
"Si la vie n'est pas le bonheur, à quoi ça sert, à quoi ça rime ?"
Et ça s'envole, et tout s'envole, et nous ne sommes plus que cinéma, un tout, confondu avec l'écran imaginaire d'une seconde vie.
Mais pourquoi donc est-ce le seul et unique film de Henri Fabiani ? Pourquoi ?