Rira bien qui vivra le dernier !
Des parrains mafieux, qui se retrouvent pour parler affaire autour d’un petit porno dans un cinéma de quartier, pour s’y faire éclater à coup de lance grenades par un hitman au sang froid qui prend le temps, entre deux exécutions, de blaguer sur Jésus et ses préférences cinématographiques, pas de doute on est bien chez Di Leo. Quand le cinéaste, à l’occasion de l’ultime uppercut de sa trilogie bien nerveuse sur le milieu de la mafia, propose sa vision de cette organisation souvent présentée comme un groupement d’hommes de principes, c’est à contre courant, sans aucune volonté de glorifier les actions de ces truands à la belle réputation ou de leur donner un semblant de charisme.
Pour preuve, son Hitman intrépide ne se construit que dans la violence, et le respect qu’il impose n’est du qu'au danger qu’il représente. Aucune valeur ne lui est sacrée, il sait de toute façon qu’il évolue dans un univers corrompu à tous les niveaux : politique, policier et bien entendu mafieux. Et qu’il sera placé, tôt ou tard, dans la case des pertes à consentir pour le bien commun. En cela, le film de Di Leo continue de dresser un portrait corrosif du milieu mafieux, pourri jusqu’à la moelle dont les marionnettistes ne sont pas les hommes de façade qui domptent la violence. Les véritables hommes de pouvoir sont dans l'ombre, portent cravate assorti à leur costume sur mesure, et prônent un semblant de code d’honneur dans l'unique but de pouvoir le saborder lorsque leurs intérêts le rendent obsolète.
Véritable artisan du cinéma de genre, Fernando Di Leo n’oublie pas de livrer la marchandise et véhicule son message à travers l’action. Son film ne se construit que lorsque le sang coule et que les hommes se trahissent. Son portrait dépressif n’a aucune limite, et lorsqu’il insère dans son récit une victime innocente, la jolie fille d’un parrain qui se fait kidnapper, c’est pour la rendre détestable dans le même temps. Lorsque cette dernière dévoile son véritable visage en s’abandonnant à ses bourreaux avec entrain et un sourire jusqu’aux oreilles, la compassion qu’on avait nourri à son égard s’envole sans demander son reste. De là à taxer le pauvre Fernando d’un misogynisme de circonstance, il n’y a qu’un pas, d’autant plus que la jolie Antonia Santilli et son corps à se damner se font malmener à chaque fois qu’elle occupe le cadre, et lorsqu’elle a enfin la parole c’est pour se rendre encore plus exécrable. Mais ce serait faire un raccourci facile, car son personnage, au trait un peu forcé, est la somme de tous les autres. Seule présence féminine, elle vogue entre les différents intérêts en présence comme un électron libre, qui est pourtant aussi vérolé que les autres. Comme si dans ce monde corrompu jusqu’à l’os, aucune âme ne méritait d’être sauvée.
C’est dans cet état d’esprit que Fernando Di Leo conclut sa virulente trilogie du milieu, œuvre phare du polar néo-réaliste noir à l’italienne, qui construit le visage d’une Italie mafieuse terriblement désespérée. Par la puissance de sa mise en scène, son absence totale de compromis, et son audace de chaque instant —qui lui a valu la censure dans son pays, pour ce film notamment, dont une scène illustrant la remise d’un pot de vin entre mafieux et autorités fut censurée—, il signe avec Le Boss le point d’exclamation d’une œuvre dense dont la violence graphique est souvent équilibrée par une légèreté dans les attitudes qui force le sourire. La marque des films de genre qui ne se détournent jamais de leurs intentions de départ, qui embrassent leur côté décomplexé sans jamais se soucier de leur réception critique et se contentent de jouer leurs atouts sans chercher à les travestir. Une espèce d’idéal de cinéma, reflet d’une époque désormais révolue où lorsque l’envie et l’intention étaient de mise, alors peu importait finalement le résultat, du moment que le tout était orchestré avec passion et conviction.
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