Le Bossu de Notre-Dame
6.6
Le Bossu de Notre-Dame

Long-métrage d'animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1996)

Inutile de le présenter, vous le connaissez tous, le petit être difforme et repoussant qui hante les tours de Notre-Dame. Pour ma part, cela faisait bien plusieurs années que je n'avais pas vu ce Disney, et j'avoue qu'il a très bien vieilli ; d'abord pour l'image qui reste de bonne facture, donnant parfois lieu à de très belles couleurs et lumières ; ensuite pour l'intrigue qui contrairement à ce que l'on peut penser, ne s'adresse pas forcément aux enfants, loin de là. Exemple probant et rapide : la chanson Infernale dans laquelle Frollo avoue son désir charnel pour Esmeralda, j'en tire juste deux-trois citations, comme ça, histoire de : "Quelle brûlure, quelle torture/Les flammes de sa chevelure/Dévorent mon corps d'obscènes flétrissures" ; "Seigneur, pitié pour elle/Seigneur, pitié pour moi/Fais qu'elle s'offre à moi/Ou elle mourra". Franchement, on peut difficilement faire plus explicite et je ne pense pas qu'un enfant puisse véritablement comprendre le sens de ces paroles.


En parlant de Frollo, je me dois de souligne le sublime immondice qu'il est : c'est un des plus grands méchants Disney que le studio est créé. Je m'explique : contrairement à un Scar, il n'a pas la force physique directe mais il contrôle une armée entièrement dévouée à ses ordres ; il ne combat pas de manière impressionnante tel un Hadès mais c'est un maître es manipulation. Ce vieux monsieur est quand même sur le point d'assassiner un nourrisson simplement parce qu'il est gitan et repoussant d'allure ; suite à l'échec de cet assassinat (sur lequel je reviendrais), il décide d'être encore plus perfide en élevant l'enfant loin de tous et de tout, passant vingt années à le séquestrer et à lui matraquer qu'il n'est rien d'autre qu'un laideron ambulant que tout un chacun déteste. Il manipule, trahit, détruit et établit un diktat, le tout avec un sourire qui aujourd'hui encore me fait (au moins un peu) frémir. Ce mec est diabolique et parfaitement réussi.


Malgré tout, le film pâtit des défauts habituels : la princesse est franchement interchangeable, tout comme le prince (qui pour le coup sont une bohémienne et un capitaine de la garde, c'est déjà un léger changement), le héros qui n'en est pas vraiment un au début, mais en fait si, la fin du film étant une évidence proche de 2 + 2 = 4 et les musiques sont répétitives et barbantes pour la plupart. Sauf une. La toute première, qui prouve à n'importe qui que les Disney sont d'abord et avant tout des œuvres de cinéma.


Pour appuyer ce que j'avance, une très courtes analyse de cette première scène : présentation de Frollo, effrayant en noir et contre-plongée sur son infernal destrier. Il domine la scène, il domine chacun des autres personnages présents, et même en difficulté (lorsqu'il perd un moment la trace de la gitane) il est toujours montré en contre-plongée, jusqu'au moment où l'archidiacre sauve Quasimodo : le rapport de force s'inverse alors, Frollo craint pour la seule chose qui compte à ses yeux, son âme. Alors il est dominé, écrasé par le regard inquisiteur des Saints de Notre-Dame, présentés en contre-plongée à leur tour, rendant le dominant dominé l'espace de quelques minutes. La domination est intempestive et bien vite Frollo domine à nouveau l'archidiacre à terre et la gitane qu'il vient de tuer. Le bastion représenté par la cathédrale ne tiendra que le temps du film : aveuglé par la folie, Frollo prendra Notre-Dame d'assaut, tentant alors de faire céder la seule chose qui a toujours résisté à sa soif de domination ; la divinité.


Et je termine ici sur ce qui me semble être le plus gros point faible du film : le rapport à la religion. Tantôt dénonciateur des atrocités commises par l'Inquisition moyenâgeuse, tantôt oubliant un peu de souligner la grande passivité de l'archidiacre qui se soumet entièrement à ce que Frollo cherche à lui imposer (comme la séquestration de Quasimodo par exemple), le positionnement sur la question religieuse est flou et souffre par conséquent d'un traitement assez inégal, parfois même grossier. Cela étant, c'est ce flou qui a donné naissance à l'un des méchants qui a bercé mes cauchemars d'enfants, un être torturé qui aujourd'hui encore est loin de me laisser indifférent. Et pour ça, je pardonne au film ses quelques errances, toujours impressionné par la prestance de ce vilain virulent.


Et la rétrospective Disney, c'est par là.

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le 27 août 2015

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Xavier Petit

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