Deux sosies, l'un pauvre, solitaire et candide, l'autre riche, égoïste, désabusé. Une nouvelle vie trop belle pour être vraie.

Ce qui aurait pu faire l'objet d'un film riche en mystères et faux semblants, comme le sont les multiples autres adaptations de Du Maurier (par Hitchcock, Roeg, Koster ou même Roger Michell), est en réalité une dramédie étrange focalisée sur les réactions circonspectes d'un des personnages qu'incarne Alec Guiness.

Jacques, grand bourgeois français, rencontre par hasard son sosie, John, dans la ville du Mans. John est anglais, (mais chance, il est professeur de français), malheureux dans sa petite vie modeste et sans histoire, il passe ses vacances en solitaire à visiter la France. Jacques, lui, vit dans un chateau de la région et dirige une usine, il est entouré d'une famille qu'il présente comme oppressante. Les deux sosies sympathisent autour d'un cognac, mais le lendemain Jacques disparait, laissant tout le monde croire que John est en fait Jacques. Bien que réticent au début John finit par se prêter au jeu.

Peut-être est-ce la nonchalance toute anglaise du comédien principal qui se prête mal à cette histoire. En effet John déambule dans le chateau, le jardin, l'usine, le petit village où Jacques a sa maitresse, avec le regard impassible d'un homme qui ne se laissera pas surprendre. Dans chaque situation ou son identité pourrait être mise en porte-à-faux celui-ci rétorque d'un petit commentaire caustique ambigüe, semblant ne pas craindre d'être découvert, semblant tout observer de loin. Comment s'inquièter pour lui dès lors ? La mécanique du suspense laborieusement installée par une situation déjà peu vraisemblable est désormais complètement enrayée.

Le coeur du film est de cet ordre. John nous dit-on tombe amoureux, John se découvre de l'affection pour une famille que Jacques avait apparemment délaissé, John s'inquiète du sort des employés de son usine. Nous, spectateurs, ne voyons aucune de ces émotions transparaître. Un twist prévisible vient conclure ce long-métrage laborieux et à l'imagination limitée.

Le roman méritait-il mieux ou fut-il fidèlement adapté ? Nous ne l'avons pas lu et ne pouvons répondre.

Naoo
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le 1 sept. 2023

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