Le Brame de la Licorne est un premier long métrage très original car il y mêle la petite histoire d'un homme se débattant dans les problèmes du quotidien (argent, famille) à la grande Histoire d'Hérodiade et Hérode Antipas (pas de panique si vous ne les connaissez pas déjà, tout sera expliqué); cela donne un film intéressant, complexe et accessible tout à la fois, qui va basculer peu à peu dans un délire psycho-historique, avec une bande-son et des effets visuels qui emmènent loin, bien loin de ce que j'ai déjà pu voir.

Le Brame de la Licorne, c'est l'inaccessible, ce blanc dans les archives, ce qu'on ne pourra jamais savoir mais qui nous laisse l'opportunité de tout imaginer. Un brame qui retentit à travers les paysages, les monuments, les sons, les odeurs du très beau et mystérieux Comminges, cette région secrète du sud-ouest de la France, au pied des Pyrénées, à travers ses âmes errantes.

La grande Histoire qui côtoie celles d'anonymes. La transmission court-circuitée dans les abysses d'un homme qui souffre, en proie à la solitude.

D'abord, un homme, Guillaume, artiste à son compte, qui erre, dont on comprend qu'il a des problèmes d'argent, de garde d'enfant, de séparation.... bref le quotidien d'une bonne crise de la quarantaine.

Au fur et à mesure que le film avance on a le sentiment qu'il perd pied avec la réalité. Que peut-être ces interactions avec certains personnages il se les est inventées (comme son flirt avec cette femme qui l'accueille à la galerie et lui présente le "spécialiste de l'Histoire de Saint-Bertrand-de-Comminges", sa rencontre avec ces personnes en pleine nuit dans un pré en train de réciter des choses étranges, ses obsessions pour les 2 assassins de Jean-le-Baptiste, que sont Hérodiade et Hérode Antipas...

Entre pensées intrusives et hallucinations, l'impression de plonger dans les limbes de

l'inconscient / subconscient de Guillaume.

L'évocation des petits miroirs comme le reflet de "personnalités multiples" nous laisse penser que Guillaume est rattrapé par ses démons intérieurs.

Les comédiens, peu connus, portent de façon distancée ce film et l'incarnent parfaitement, entre étrange théâtralité et naturalisme du jeu.

Les scènes fantasmagoriques sont vraiment bonnes, ainsi que la photographie des paysages, des rues éclairés au flambeau des lampadaires, les tableaux et peintures de l'atelier.

J'ai beaucoup aimé la bande son du film, qui porte le flux du film. La musique, entre expérimental et pop-industriel, lui donne beaucoup de matière, elle aurait d'ailleurs pu être plus présente.

C'est un premier long métrage très réussi, dans le sens que cela fonctionne, qu'il nous fait suivre cette narration intriquée, parfois étrange parfois tendre et simple, parfois de carton-pâte, parfois d'un réalisme cru, en bousculant les codes.

Merci au réalisateur, Arnaud Romet, d’avoir poussé loin les curseurs pour arriver à ces traitements oniriques très réussis, car la piste est bonne et peu exploitée…. l’art du montage par moments est époustouflant.

On sent un art de l'image du son mûrs pour le grand écran, fait parfois de bouts de ficelles et de trucages qui ne sont pas sans nous rappeler certains Cocteau, avec un petit côté gondriesque aussi, un lien sans doute quelque part avec du Mandico, du Lynch, mais aussi, très curieusement, du Bresson par exemple...

Bref, ce Brame de la Licorne est un film extra-ordinaire, au sens propre du terme.

Une très bonne surprise, courez-y !


Isidore-Delacasse
9

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Créée

le 10 avr. 2024

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