En 1969, après une courte parenthèse à la Shochiku, Fukasaku va revenir à la Toei et se lancer dans la réalisation de yakuza-eiga plus modernes. Ce premier opus s'inspire très librement du Yamaguchi-gumi, vaste et puissante organisation yakuza originaire de Kobe en laquelle on aura reconnu le clan Danno du film, dont l'expansion tentaculaire notamment dans la région de Tokyo va entraîner des frictions avec les organisations locales.
Le casting est dingue : Kôji Tsuruta dans un premier rôle très stoïque comme à son habitude, Tomisaburô Wakayama en chef de gang hirsute et lunatique, Bunta Sugawara et Noboru Andô en chiens fous, les habituels seconds rôles campés par le très charismatique Ryôhei Uchida et Hideo Murota, entre autres. De la belle gueule de voyous ! Côté personnages féminins c'est plus clairsemé, tout juste une chanteuse de cabaret qui fera tourner quelques têtes.
Fukasaku quant à lui n'est pas encore entouré du gang avec lesquel il réalisera les plus belles pages du yakuza-eiga à savoir le scénariste Kazuo Kasahara (c'est ici Fumio Kônami que l'on retrouvera sur quelques Fukasaku et sur une série comme Female Scorpion Prisoner) et le compositeur Toshiaki Tsushima mais sinon tous les ingrédients qui feront son succès son déjà réunis : longue introduction avec voix-off et carte des événements à la clé, des noms, des dates, des rangs dans l'organisation, montage électrique, travelings caméra à l'épaule, bastons fiévreuses, exécutions crapuleuses, trahisons. La trame narrative ouvre surtout un grand thème récurrent dans l'œuvre de Fukasaku : les petites mains du crime organisé, ici des gangs locaux de Yokohama, sont manipulées et utilisées par des cartels plus puissants qui n'hésiteront pas à retourner les alliances au gré de leurs intérêts. Les patrons eux restent bien au chaud tandis qu'en bas on s'entretue. On peut y voir une critique du capitalisme. C'est Combat sans code d'honneur avant l'heure !
Pour ces raisons on peut parler de première pierre à l'édifice du jitsuroku (films de yakuzas réalistes et basés sur des faits réels), genre que l'on doit à Fukasaku mais auquel il ne se consacrera pleinement que quelques années plus tard.