Irrespirable
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Dans un bon policier, l’intrigue est un prétexte. Elle doit certes être en mesure de tenir en haleine l’attention du spectateur, mais vaut surtout pour sa capacité à tracer un parcours, le plus souvent sinueux, dans un milieu, d’une surface fondée sur les apparences aux bas-fonds dans lesquels croupit une vérité bien peu reluisante.
Le Caire Confidentiel, comme son titre français le souligne un peu lourdement, est à la croisée d’une ville et d’un temps précis de son histoire, à savoir la révolution de 2011 qui conduira au renversement du pouvoir. La grande Histoire ne sera qu’une toile de fond, mais une caisse de résonance pertinente de ce qui se joue au premier plan : la mise au jour d’un engrenage et d’une machine de corruption généralisée, et la révolte d’un des maillons de la chaîne susceptible d’en gripper les rouages.
Tout ne fonctionne pas sur le plan de l’écriture, et on a un peu du mal à comprendre les raisons qui poussent un policier corrompu (comme tous les autres) à s’étonner de l’impunité des élites et subitement nager à contre-courant, à se faire à ce point berner par une prostituée, ou les gangsters à traiter encore avec la photo argentique pour les besoins du scénario quand, d’un autre côté, on évoque la modernité de Facebook. Mais le recours ponctuel à l’humour, et la satire souvent assez virulente des comportements permet de passer outre.
Si les caractères pêchent un peu à dépasser le simple rôle de fonction de types, c’est l’interaction générale qui prime, et les portraits de collectivités qui l’emportent. Le Caire est une ville étouffante, cosmopolite, un labyrinthe infini où les soumis n’ont pas les clés des impasses qui les enferment, à savoir les liasses qui permettent aux nantis d’aller où bon leur semble. Sur cette exploration sociale et spatiale, Tarik Saleh est particulièrement à l’aise, et parvient à restituer aussi bien les alcôves qu’une rue de plus en plus fébriles, les planques des nantis que les faubourgs crasseux des migrants soudanais.
Même si l’antienne du « Ne faites confiance à personne » est elle aussi éculée sur pareil sujet, elle fonctionne ici : le protagoniste avance sur des sables mouvants, sans aucun repère moral ou partenaire à qui se fier : de ce point de vue, l’enquête rejoint la situation générale du pays, sur le point de s’embraser : la question n’est pas de savoir qui renverser, mais en quoi les remplaçants seront pires ou non.
Sous ses airs de policier convenu, Le Caire Confidentiel décrypte ainsi un système pourri jusqu’à ses arcanes, où l’initiative individuelle ressemble plus à un suicide qu’un gain pour la collectivité.
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le 28 juil. 2017
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