Quand le dressage d'un candidat politique fait ressortir la force de son individualité.
Déjà, le nom de ce candidat à l'élection présidentielle majeure: Dedieu. Comment un homme peut préparer un débat politique avec un nom prédestiné? Je me demande si Niels Arestrup, acteur et réalisateur majeur, aux différents niveaux de lecture, a caressé cette idée comme elle me vient à l'esprit aujourd'hui.
Puis, le sujet: qu'est ce qui fait un homme politique? Son armée de conseillers en communication? Sa famille qui encaisse inexorablement? Et surtout, comment cet "animal dressé" aux échéances de communication, qui l'amènent au sommet, arrive à surnager? Ne vous méprenez pas, ces questions ne commandent pas l'empathie du spectateur au vécu d'un homme politique mais juste un questionnement sur cette vie singulière, à part.
Dans Le Candidat, Niels Arestrup s'est concentré sur les comportements des protagonistes ( du garde du corps au candidat désigné).Cet exercice de précision fait qu'aucune distraction superflue n'est de mise. Il n'y a donc pas de musique si ce n'est celle qu'écoute Michel Dedieu dans sa salle de bains pour décompresser avant ses brainstormings avec son staff. De plus, toute cette cohorte qui vit pour l'accomplissement d'un seul homme a peu de place pour sa vie privée. Arestrup filme cela trés bien, de façon quasi chirurgicale, comme si ce monde aseptisé ne tolérait aucun débordement. Et vous verrez qu'il y en a des couacs entre la femme du candidat qui craque en désertant le QG de campagne ( ça vous dit quelque chose?) et celle du conseiller qui se lâche (entre autres).
L'interprétation d'Yvan Attal est tout en intériorité car son personnage jauge son entourage, ses soutiens pour essayer de naviguer au mieux entre les uns et les autres. Guillaume Gallienne, parmi quelques autres sociétaires de la Comédie Française, a une partition vraiment surprenante dans le rôle de ce conseiller intraitable et décidé. Quant à Niels Arestrup, il retrouve un personnage duel qu'il chérit et où il a fait ses preuves ( notamment dans Un prophète et De battre mon coeur s'est arrêté). Sans surjouer, l'acteur en impose sur des scènes clés du film.
Je terminerai sur l'épilogue du film qui vaut vraiment la peine. Toute la dimension humaine et politique de Michel Dedieu prend alors tout son sens. Lui, qui aurait pu passer uniquement pour un homme tourmenté et vulnérable, fait ressortir son individualité et se positionne sur l'échiquier médiatique et politique. Sans exagérer, j'estime que nos hommes politiques seraient bien inspirés de visionner le dernier quart d'heure du film car c'est un réquisitoire habile et précis sur leur profession.