Une histoire de pistonnage... Orchestrée par Gavras, dans des décors à la hauteur de leur démesure.
Chère Céline, je t'écris en cette soirée venteuse pour te faire part de mon admiration. Je ne t'ai pas vu jouer souvent mais à chaque fois tu te transformes. Ce dont je n'aurai absolument aucune idée si je ne t'avais pas vu ce soir, en chair et en os. Tu n'en as peut-être pas conscience mais sous tes faux airs de grande-gueule (on fait ce qu'on peut avec un partenaire comme Gad Elmaleh) tu ne sais pas quoi faire de tes mains, tu te tortilles quand la salle te regarde, tu rougis quand on te nomme, tu grattes la scène avec la pointe du pied, peut-être dans l'espoir que la terre s'effondre pour t'accueillir dans ses entrailles. Or sur l'écran tu rayonnes.
Tu es LA femme, l'idée de la femme en lutte dans le monde d'aujourd'hui. Tu n'es jamais le sexe-symbole mais bien celle qui défend ses idées jusqu'au bout. Je ne te connais pas, Céline, mais entre ton parcours à l'ENA et ta carrière chez Phenix je veux te croire brillante et éclairée.
Alors pourquoi, par tous les diables, lorsqu'on t'interroge sur la place du "sexe faible" dans le monde des requins de la finance est-ce que tu laisses ton micro à un homme? Il va porter haut les couleurs du beau sexe mais tu aurais pu le faire aussi bien que lui!
Chère Céline, je ne te remercierai jamais assez. Tu ne pouvais pas le savoir mais c'est toi qui m'a fait croire que je pouvais m'élever. Je ne sais absolument pas où tout cela me mènera mais je sais qui aura donné l'impulsion de départ. Et c'est à toi que je pense quand, en robe de soirée et une coupe de champagne à la main, j'essaie de rendre mon discours aussi étincelants que le sont mon plumage et mon ramage.
Cher Costa Gavras. Je suis une inculte. Je n'ai pas vu vos autres films. Ici donc, aucune comparaison. Je ne serai pas de ceux qui diront que vos belles années sont derrière vous, puisque je ne les connais pas. Votre film est prenant et intelligemment construit. Il n'évite pas les clichés mais parvient cependant à ne pas tomber dans le manichéisme total. C'était bien vu de choisir cet acteur principal. Non, décidément, on ne peut pas le détester. Pourtant il y a de quoi.
On découvre un monde, insoupçonné il y a encore 5 ans mais que l'on devine depuis 2007 et le monde merveilleux des subprimes. C'est vrai que c'est difficile d'imaginer ces vies et bien trop simples de les condamner. Ces gens sont parfois des criminels mais vous ne les présentez pas uniquement ainsi. Ils sont simplement happés par ce "jeu" dont ils ont fait leur vie. Jusqu'à ce que tout explose?
Vous dites avoir arranger la fin du livre. Serait-on, nous les spectateurs, de pauvres petites âmes sensibles? Ou est-ce à cause du regard bleu magnétique de Gad que l'on ne saurait faire disparaître?
Pour la technique, mon regard de plus-tout-à-fait-néophyte me fait dire que vive l'expérience! Ce n'est pas votre tour d'essai. Je suis une inconditionnelle de la mise en abîme et du film tourné vers le spectateur. Nous sommes ici de gros voyeurs, cordialement invité par un banquier à pénétrer son intimité.
Monsieur Gavras, j'aurais pu passer la nuit à vous écouter. J'aurais voulu apprendre de vous, plus encore que ces quelques bribes de phrases qui ont échappé à vos lèvres.
Cher Gad. Pas de ça entre nous, c'est presque comme si on était voisins de palier, non? En tous cas c'est ce que tu te plais à croire. D'ailleurs ce soir la moitié de la salle était venue pour toi et tu le savais parfaitement. Tu en a joué, sauvant du même coup tes 2 camarades de jeu, beaucoup moins enclins que toi à faire le show. Bravo pour ton jeu, Costa a eu raison de te dire de ne rien faire. C'est difficile de te croire et de te suivre parce qu'on sait très bien, au fond, que tu nous as fait rire aux larmes si souvent.. Mais le cinéma prend le dessus, la réalité s'efface et tu deviens un homme d'affaire redoutable, jeune homme naïf potentiel marionnettes entre les mains de banquiers plus avisés qui pour le plus grand mécontentement de tes collègues se révèle être le plus calculateur d'entre eux.
Bravo pour ton jeu. Dommage pour le show. J'aurais voulu moins t'entendre. J'aurais voulu que tu leur tende plus souvent la perche. Je sais que le tout-Lyon était là pour toi. Mais tu sais, la célébrité ça monte encore plus vite à la tête que l'argent. Toi aussi, tu fais partie du jeu!
Cher (potentiel) lecteur tu l'auras compris, j'ai beaucoup aimé ce film. Des bémols? Toujours. Mais je garde en mémoire l'image d'un film bien ficelé, qui ne fait pas de cadeau au monde de la Finance mais ne la diabolise pas non plus. Le capital, au départ c'est un livre écrit par un idéaliste dont les rêves se sont brisés en heurtant la surface tranchante de la réalité. Gavras en a fait un film qui nous met face à notre rapport à l'argent et nous force à reconnaître que, faute de mieux, nous jouons le jeu du capitalisme libéral puisque c'est ça ou mourir.
Mention spéciale:
Pour l'avant-première à laquelle l'équipe du film a VRAIMENT assisté
Pour les séquences d'interaction directe personnage-spectateur
Pour les "et si j'avais.." et les "je devrais..." parce que dans nos têtes nous les avons toutes un jour imaginées.