J'ai un souvenir plus heureux du film "Ce n'est qu'un début" de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier qui traite du même sujet. Les pépites, ce sont les mots des enfants, leur pensée parfois confuse, teintée de l'influence évidente des adultes, des phrases toutes faites qu'ils ont attrapées au vol ici ou là, et qui, une fois répétées, semble ne pas les convaincre tout à fait. Ces réflexions, ces débats, ces confidences suffisent à nous émouvoir et la musique sentimentale abondemment disséminée abime l'objet. Ces visages illuminent l'écran d'eux-même et se passeraient volontiers de ces effets de photo ridiculement esthétisants. Malgré l'artifice lourdingue de certaines images (car on sent bien la difficulté de remplir l'image lorsque c'est le son qui importe) - un enfant qui contemple une boule à facette multicolore ou un attrape rêve d'un air songeur - on est ébahi par les propos tantôt très murs, tantôt naïfs, si sombres parfois, et délivrés avec un naturel déconcertant. J'applaudirais la réalisatrice d'avoir réussi à laisser ces enfants se confier avec tant de confiance.
Quand à la place du "meneur" de séances de philosophie, je la trouve ici bien trop importante. Lenoir fait effectivement la publicité de son entreprise et j'estime que pour laisser les enfants libres de dérouler leur pensée, il devrait se faire plus discret - pas de jugement, pas d'influence, le simple rôle de résumer et recentrer le débat (ce qui était le cas dans l'autre film cité plus haut). Lenoir dit ne pas juger mais il joue l'étonnement face à certaines réponses d'enfant ou au contraire s'exclame "c'est très intéressant ce que tu dis là", ce qui tour à tour inhibe ou conforte le jeune interrogé. On retiendra le petit dédain face à la question "ça sert à quoi le maquillage ?" puis l'exclamation "ah oui, ça tu peux le noter" lorsqu'un autre soulève la question de la mort. Pourtant la question du maquillage n'a rien de futile : elle soulève le sujet de la beauté, du regard de l'autre, de l'injonction de plaire aux hommes quand on est une femme. Bref, un sujet éminemment important à détricotter.