Le film se déroule au XVIIIème siècle, sous le règne de la dynastie Chosun.
Le jeune Mongryong, fils du gouverneur de Namwon aime la belle Chunhyang, fille de courtisane.
Mais n’étant pas de la même classe sociale ils doivent garder leur union secrète jusqu’à la fin des études de Mongryong, promis a de hautes responsabilités.
Un beau jour, ce dernier doit suivre son père, nommé ministre à Séoul.
Le couple se voit donc obligé de se quitter temporairement après s’être juré une fidélité éternelle.
Mais le nouveau gouverneur, le cruel Byun Hakdo, cherchant une courtisane, jette son dévolu sur Chunhyang qui se refuse à lui. Sous peine d’être battue et mise à mort…
L’histoire de Chunhyang est aussi populaire en Corée que celle de Romeo et Juliette en occident ou encore Devdas en Inde.
Elle a donc déjà été adaptée et réadaptée à toutes les sauces et sur tous les supports possibles et imaginables : romans, télé, radio, cinéma.
A noter qu'Im Kwon-Taek, réalise ici son quatre-vingt dix septième film.
La spécificité de ce « Chunhyang » se situe au niveau de la narration. Le film débute sur une scène, devant un public nombreux.
Il s’agit en réalité d’un « pansori » en grande partie illustré par un film.
Qu’est-ce que le pansori ? Ceux qui ont eu la chance de voir « La chanteuse de pansori », précédent film du maître, vous expliqueront qu’il s’agit de l’opéra traditionnel coréen transmis par tradition orale depuis le XVeme siècle (et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2003).
Un chanteur-narrateur ( myeongchang ) est accompagné par un percussionniste ( gosu ) rythmant l’histoire sur un tambour ( puk ) et se permettant même quelques exclamations et encouragements ( chuimsae ) rendant le récit plus vivant. Le public peut également se manifester bruyamment s'il le désire. Le chanteur-narrateur combine le chant ( sori ), la récitation ( aniri ), et les gestes ( pallim ). La technique vocale utilisée est très particulière, parfois lent, parfois rapide, souvent rauque et haletant, le phrasé se rapproche du « haka » neozélandais.
Des douze pansoris connus, seuls cinq sont encore représentés (Chunhyang-ga, Simcheong-ga, Heungbu-ga, Jeokbyeok-ga et Sugung-ga). Un pansori peut s’étaler entre quatre et cinq heures….
Ceux qui n’en ont pas fait l’expérience pourront éventuellement être choqués par cette forme de chant si particulière, et même manifester une certaine angoisse lors des premières minutes du film. Rassurez-vous, le « vrai » film commencera rapidement avec seulement quelques allers et retours avec la scène, histoire d’en rythmer les grands chapitres.
Après quelques instants, et pour peu que vous ne soyez pas trop fatigué, ni de méchante humeur, vous vous acclimaterez au pansori.
Mis à part cette mise en scène originale, le film est un petit bijou de poésie.
La relation entre Chunhyang et Mongryong est d’une beauté à couper le souffle et le film fourmille de détails et de symbolisme. A noter quelques scènes de nu ayant valu au film d’être classé « R » lors de sa sortie aux Etats-Unis.
Premier film coréen jamais présenté au festival de Cannes, « Le chant de la fidêle Chunhyang » est une histoire universelle, mêlant amour, passion, loyauté et sacrifice.
On pourra également s’attarder sur les superbes paysages en totale adéquation avec la poésie du récit. Le film n’en est pas « gnangnan » pour autant, et les amateurs de SM auront, eux-aussi, droit à une belle scène de torture, de derrière les fagots…
Cette histoire, très classique, est brillamment remise au goût du jour par la prise de risque opérée sur sa forme par le patriarche du cinéma coréen.
Une belle réussite qui lui ouvrira les portes de l’international avec son film le plus acclamé : « Ivre de femmes et de peinture » .