Un voyage ethnographique et ésotérique, c'est une certitude. Dès l'ouverture, João Salaviza et Renée Nader Messora souhaitent pleinement investir le champ de l'onirisme, en montrant Ihjãc, un jeune indigène de la tribu Krahô, marchant dans l'obscurité de la jungle amazonienne. Près d'un petit lac lové en contrebas d'une cascade, il entend la voix de feu son père l'invitant à préparer une fête funéraire, afin de mettre un terme au deuil et libérer son esprit. Dans la nuit aux reflets bleutés, des flammes surgissent de l'eau.
Cette première partie, qui entre très nettement en écho avec la toute dernière, tout aussi envoûtante, sert en quelque sorte de passerelle entre le documentaire et la fiction, entre notre monde et celui de Ihjãc qui semble investi d'un pouvoir de communication avec les morts. Un pouvoir qu'il cherchera à refuser, et un destin de chaman qu'il cherchera à fuir : c'est le point de départ d'une longue fuite, à travers la jungle et jusque dans la ville, au contact de la société brésilienne où il ne trouvera pas les réponses qu'il attendait. Et, à cet égard, le seul passage un peu trop lourdement démonstratif du film.
Il y a cet ara, animal symbole le rappelant à son avenir et au sang chamanique qui coule dans ses veines, il y a ces rituels funéraires avec des chants, des peintures corporelles. Il y a aussi une série d'évocations magiques aux contours très incertains, brisant le film en deux parties pas toujours très évidentes à appréhender : d'un côté la poésie très naturelle qui enveloppe les rites de la tribu, empreinte de lyrisme et d'harmonie, et de l'autre la rêverie difficile d'accès, obscure et remplie d'énigmes, produisant néanmoins une douce atmosphère de sidération. On y ressent des secrets qui affleurent autant qu'un univers au bord de la disparition. La dimension contemplative ne nourrit pas toujours de manière très constructive les élans socio-ethnographiques, l'artificiel est en embuscade, mais la fascination revient régulièrement nous griffer comme les serres d'un ara.
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