Nous sommes vraiment impitoyables avec le cinéma français. Lorsqu’il puise dans son fonds de commerce, on a honte de ses succès ; lorsqu’il investit d’autres genres, on l’attend au tournant. Le chant du loup aura ainsi probablement droit à son lot de critiques, dont certaines pourront se permettre d’être acerbes. Les jonctions scénaristiques prêtent en effet à sourire, et l’on sent que les coutures entre des séquences importantes auraient dû être travaillées davantage. La manière dont le protagoniste se trouve expulsé (au moment de l’appel, ah au fait, finalement non…) réintégré (je cours incognito dans le QG de la nation), les incohérences pour toute personne maîtrisant un tant soit peu les lois de la nature (la pression à oreille nues, la question de l’absence de lumière sous l’eau) et un casting à géométrie variable (Sy en type sérieux, c’est assez difficile à appréhender, et Kassovitz en amiral s’autorisant quelques blagues semble souvent mal à l’aise) jouent souvent contre le film.
Il n’empêche.
Cette réécriture de Point Limite (ou Docteur Folamour, puisque les deux chefs-d’œuvre, sortis la même année, traitent exactement du même sujet, mais sur des registres différents) en mode sous-marin se démène pour tenir les promesses d’une bande annonce palpitante. Le secret du plaisir, c’est surtout celui de l’expertise : ça jargonne à tout va sur des formules qu’on ne comprend qu’à peine, ça se rive à un protocole qui a l’air de très bien fonctionner sans nous, et ça voit des choses qu’on ne peut pas discerner. Le Chant du loup mise tout sur la technicité et la singularité du monde sous-marin, faisant dialoguer entre eux une élite rompue à l’exercice, qui tolère à peine notre présence dans l’habitacle. Les séquences en immersion, majoritaires, impressionnent par leur savoir-faire et les moyens déployés.
Tout le classicisme de films à majorité US est ici convoqué (avec une petite pique d’autodérision sur les moyens nationaux lorsqu’on explique à l’Amiral qu’un seul écran fonctionne « Parce qu’on est en France), et force est de constater que l’ensemble fonctionne. En déplaçant les enjeux sur « L’oreille d’or », un spécialiste en analyse acoustique, le film fait un pari gagnant : c’est bien par ce relais à l’invisible que tout se joue – ce qu’avait compris la grande référence sur le sujet, le film allemand Das Boot, qui en 1981 proposait un incroyable travail sur le son. L’intrigue, faite de faux semblants et de revirements plus ou moins crédibles, s’épaissit ainsi d’une quête sensitive qui accroît la tension et excite davantage que les pourparlers des décisionnaires.
Autant d’éléments qui ne peuvent que susciter des encouragements. Cette diversité fait du bien, et prouve que le cinéma hexagonal a de l’énergie à revendre sur plusieurs fronts. Profitons donc de l’immersion pour voir le verre à moitié plein.
(6.5/10)