Voilà ce que peut donner un projet ambitieux. J'étais en guéguerre puérile avec le cinéma français. Lassé sans doute des mauvaises comédies à répétition et des mêmes genres perpétuellement renouvelés.
Mais Le chant du loup détonne.
Il nous cristallise dès les premiers instants, plongés dans l'atmosphère anxiogène et insoutenable d'un géant de fer et d'acier de plusieurs milliers de tonnes. Sous l'océan. Là où le silence est roi. L'équilibre de l'équipage étant paradoxalement maintenu à la perception inouïe des sons de « Chaussette », capable de détecter le moindre frémissement aquatique.
Le spectateur, quant à lui, ne peut rien laisser échapper. Pas même un soupir. Pas un instant de répit. Il est autant pris au piège des décibels que le protagoniste.
Alors il se laisse porter. Par l'intrigue qui fait écho à l'équilibre de la terreur. Par le jeu des acteurs, avec une performance magistrale de François Civil, hanté par ses démons acoustiques. Par quelques passages grotesques, comme l'abattage d'un hélico en mouvement d'une roquette tirée avec une précision chirurgicale. Par la rigueur procédurale militaire qui ne peut convaincre la complexité de l'être humain. Par le sacrifice aussi.
Antonin Baudry réussit son pari. Un pari mené d'une main de maître autant scénaristiquement que visuellement avec des décors à couper le souffle. La France ne pâlit pas. Elle lève l'étendard, pour ces marins, et pour le septième art.
Aristote initiait l'oeuvre : Il y a trois types d'hommes. Les vivants. Les morts. Et les hommes de mer.
Les invisibles.
Ce film est là pour nous le rappeler brillamment.