Une belle curiosité issue de l'âge d'or hollywoodien et de son registre par excellence, le film noir. En recourant à l'univers de la fête foraine comme toile de fond à ce récit de bonimenteur, Edmund Goulding procède à une association étrange, presque exotique. On n'est clairement pas dans le registre des Freaks à la Tod Browning, loin de là, mais le trouble est tout aussi présent. Il est simplement ailleurs : dans la description d'une société corrompue, dans laquelle évolue Stanton Carlisle, propulsé au rang d'assistant d'une célèbre voyante après avoir tué accidentellement son mari — confondre de l'alcool à brûler et du gin, forcément... La connaissance du truc derrière un numéro de mentaliste bidon flattera bien assez tôt son opportunisme et le voilà parti en solo (ou presque, avec une fille qui deviendra sa femme) sur les routes du mensonge et de l'entourloupe.


Le vice et les faux-semblants sont omniprésents ici, et sont mobilisés pour dynamiter les conventions du genre. Un personnage largement amoral, n'hésitant pas à trahir ceux qui lui font confiance, prêt à tout pour parvenir à ses fins. Il met en place un numéro particulièrement retors, impliquant une psychologue ayant accès à de nombreux secrets au sein de l'aristocratie locale, pour mieux se faufiler au sein de cette population. Son ascension est plutôt fulgurante, un peu trop sans doute, à laquelle sa femme met un sérieux coup d'arrêt en plein milieu d'une supercherie qu'elle ne parvient pas à assumer, elle, jusqu'au bout.


L'occasion de découvrir les origines du mot "geek", assez éloigné de sa signification actuelle : il est ici question d'un homme fou, une bête qui égorge des poulets avec les dents et les dévore (cru et avec les plumes, cela va de soi) dans un spectacle de foire. Le séducteur arriviste est donc projeté, au terme d'une trajectoire de rise & fall, dans la déchéance en toute fin de film, avec à cet effet le portrait plutôt violent de l'alcoolisme. Cette composante-là, alliée à la vision quand même très noire de la psychanalyse, fabuleux moyen de manipulation entre les mains des plus cyniques, confère à ce film noir forain un goût très particulier.

Morrinson
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le 3 juin 2021

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