Le mauvais chasseur, il tire... Le bon chasseur, il tire... mais c'est un bon chasseur.
De toute façon ça c'est des questions à la con.
Martin est envoyé en Tasmanie par une société pour y chasser un animal qui n'est plus censé exister : le tigre de Tasmanie. Il logera pour mener à bien sa mission chez une famille et dans un coin où le voisinage ne lui fera aucune concession. Cette ultime chasse, dont le scénario va s'abreuver jusqu'à la toute fin, va le pousser à réfléchir sur les motivations de sa capture, d'autant plus qu'il n'est pas le seul à vouloir s'emparer du Graal...
Le thylacine (tigre de Tasmanie) est un animal qui a réellement vécu jusqu'en 1936. Abattue définitivement par les chasseurs notamment, l'espèce n'est plus qu'un souvenir et c'est sur ce postulat que se base le scénario du film. Si l'histoire est haletante, à aucun moment on ne doute de la fin toute annoncée du récit. On ne sait ni comment, ni dans quel état nous retrouverons le héros principal mais la certitude qu'il trouvera ce qu'il est venu chercher est présente tout du long.
Visuellement, Le Chasseur est à couper le souffle. Par ses ellipses narratives définies par des plans superbes sur la nature (et ses couleurs) ou ses paysages exceptionnels qui viennent agrémenter la recherche de Martin, le film est une claque esthétique notamment pour une oeuvre qui n'est jamais sortie au cinéma. C'est excellent et très au-dessus du niveau général. La trame scénaristique est moins simpliste qu'il n'y paraît, le parallèle entre l'animal dont l'extinction est imminente et la famille étant très intéressant et très émouvant. La droiture de Martin et son aspect rustique tirent ces deux éléments vers le haut et propulsent notamment cette histoire de famille déchirée par l'absence du père et la fatigue de la mère au rang d'intrigue principale au même titre que la recherche du tigre. Ces instants de grâce, suspendus dans le temps comme les dernières scènes, sublimes mais très douloureuses, ou les moments privilégiés avec l'épouse donnent de l'épaisseur à ce film.
Willem Dafoe, quant à lui, fait tout le reste. Par son voyage introspectif, qu'il nous fait d'ailleurs partager, et cette lourde émotion (s'apparentant au vécu du personnage) qui s'émane de chaque pore de son visage, il donne du poids à cette chasse qui défie la morale et du sens à cette issue tragique. Le reste du casting est bon mais leur jeu paraît bien secondaire face au leadership de Dafoe. Il incarne une masse imperturbable, mais une masse prête à exploser...
Le Chasseur est un film "contemplatif" très puissant sur un univers qui me rebute mais qui a pourtant réussi à trouver écho en moi. J'ai beaucoup d'estime pour Daniel Nettheim qui donne ici plus à penser sur l'existence de manière générale que l'humain. C'est un film dur, beau, planant, très surprenant aussi. Des choix qui troublent, qui heurtent, une volonté de laisser au spectateur toutes les interprétations possibles. Je le recommande chaudement.