Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Partout où le regard se porte, du bleu.
Derrière les mines, au sommet des maisons, du bleu. Loin au-dessus des falaises, des montagnes, des prairies à n'en plus finir, du bleu. Sur chaque centimètre d'univers en amont de la discrète brume terrestre, du bleu. Un azur limpide, calme, apaisant entaché seulement par quelques infimes nuages, si hauts qu'ils ne troublent pas cette vision rassurante.


Dans cette mer céleste, un éclat brise l'unanimité du silence. Une lueur, un scintillement descendu tout droit des cieux vient se poser délicatement au coeur d'une mine. Dans les bras de Pazu, Sheeta termine une chute freinée par une magie rayonnante, émanant d'un cristal bleuté.
Au sein d'un village illuminé par le soleil, traversé du vol féérique d'oiseaux guidés par une trompette résonnant dans la vallée, les raisons de sa chute font jour sous forme d'une révélation ahurissante.


Là-haut, quelque part dans les nuages, se cache un château. Un trésor céleste, caché au coeur de la gangue blanche séparant la Terre du reste de l'univers, un mythe poursuivi sa vie entière par le père de Pazu. Un caillou égaré hors de la gravité, défiant la physique, porteur d'une civilisation légendaire et de richesses fantasmagoriques. Tout en haut du monde, un morceau de terre attise les rêves d'hommes partout sur la Terre. Militaires au service d'autorités suspectes, pirates en quête d'or et de gloire, enfants en quête de rédemption familiale, tous s'affairent dans un ouragan d'exploits et de batailles au nom d'une terre promise.


Laputa.


De fuites en sous-sol en poursuites en plein air, de pierres luminescentes en robots destructeurs, le monde de Laputa s'invite au coeur d'une lutte mêlant courage, trahison, amitié et manipulation.
D'un ultime maelström incendié, un trait de lumière s'échappe en plein ciel et fend les cimes. Droit pointé vers Laputa.


Dans un élan d'optimisme mêlé d'urgence, de frêles embarcations prennent alors leur envol. Instant aérien, elles flânent entre deux nuages, cachent leurs ailes à leurs concurrents, bruissent doucement d'une conversation aux allures de confession entre deux enfants chuchotant dans le froid d'une vigie. Sous l'oreille bienveillante d'une pirate, Sheeta et Pazu font naître un lien d'une sincérité absolue, tel un serment entériné par le bleu sombre du ciel nocturne.


A travers une dernière tempête, il s'agit alors de braver les éléments, d'aller voir au coeur des nuages. Effaçant un dernier mur blanc, le morceau de toile et de tôle les abritant propulse Sheeta et Pazu au coeur d'un monde merveilleux.
Île céleste, rocher couvert de verdure, Laputa s'offre à eux comme un paradis immaculé. Intacte de tout contact depuis des siècles, elle grouille d'une végétation luxuriante, elle donne à voir un miracle de verdure centré par un arbre immense, millénaire.
Calme, apaisé, ce sanctuaire est gardé par d'immenses robots coupables de destruction sur Terre. Mais loin des hommes, géant, le colosse s'érode. Dans un mouvement empreint d'une délicatesse et d'une poésie infinie, la machine offre la vie à ces nouveaux venus. Une fleur, une lumière, du vent.


Envahie par la cupidité, l'avidité d'hommes inconscients de la puissance immémoriale des lieux, Laputa crépite, craque, lâche face à une dernière lutte pour s'approprier ses trésors. Paradis souillé par l'homme, elle s'envole toujours plus haut, hors de portée de tous. Dans un dernier regard porté vers ce château s'en allant, dans un instant à flotter entre ciel et terre, l'avenir commande d'honorer les promesses d'une vie à venir. Prendre soin de son monde.


Les yeux levés vers le ciel, au coeur d'un océan bleu, à jamais on cherchera ce petit point, cette trace d'un monde dont la beauté n'a rien à faire près du sol. On scrutera à s'en abîmer les yeux l'infini céleste, et peu importe si on ne trouve jamais rien. Qu'elle soit dissimulée quelque part dans un nuage, qu'elle soit hors de notre portée, qu'elle soit invisible, une chose est sûre. Pour toujours, on continuera de dire que Laputa existe.
Qu'on n'en doute jamais.

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le 5 déc. 2016

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