Le Château de Cagliostro
7.2
Le Château de Cagliostro

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1979)

Le premier long-métrage de cinéma de Hayao Miyazaki est rarement considéré par les amateurs des films du « génie japonais de l’animation » comme une œuvre « d’auteur », mais plutôt comme un simple film de commande. Le château de Cagliostro a en effet été réalisé par Miyazaki alors qu’il n’avait pas encore atteint la quarantaine, après avoir travaillé – entre autres – sur la série télévisée Lupin III (Rupan Sansei) dans les années 70 – en collaboration avec son futur complice des Studios Ghibli, Isao Takahata – pour la Tokyo Movie Shinsha.

Rappelons que le personnage de Lupin III, petit-fils d’Arsène Lupin, est l’une des plus célèbres (et brillantes) créations de Monkey Punch (Katō Kazuhiko), mais que ses aventures, pour de sombres histoires de droits, ont été longtemps diffusées en France en remplaçant le nom de Lupin par celui de « Edgar de la cambriole » ! L’aventure de Lupin III / Edgar que raconte Le château de Cagliostro est centrée sur les tentatives du « gentleman cambrioleur », et de son équipe, de sauver la princesse Clarisse des griffes du comte de Cagliostro, qui est par ailleurs à la tête d’une organisation criminelle internationale de faux monnayeurs mettant en péril la stabilité de nombreuses nations… avec, quand même, l’idée de mettre la main le premier sur un trésor censé être caché dans le fameux château !

A la manière du manga original et de la série, Le château de Cagliostro est une succession trépidantes d’aventures hautement fantaisistes, pleines d’action, de retournements de situations, avec des passages secrets, des monstres ou des robots dangereux, des révélations inattendues, des combats singuliers et des batailles rangées : c’est un film divertissant, parfois même très amusant de par l’humour assez léger qui contrebalance des situations dramatiques très outrées. L’amateur d’animé y trouvera sans doute son compte, et un respect rassurant des codes du genre : la poursuite en voiture délirante du début du film est très réussie, par exemple, avec cette formidable Fiat 500 jaune (qui était dans la réalité la voiture d’un collaborateur…).

En ce qui concerne la lecture « auteuriste » du Château de Cagliostro, c’est à dire l’identification de ce qui le distingue d’autres films du même « genre », il est déjà possible çà et là d’identifier par petites touches ce qui deviendra le futur style du maître : l’attention portée à la beauté des paysages, l’élégance et la précision des mouvements, l’importance de (tout petits, ici) moments de stase, de contemplation, l’attention à la sincérité des sentiments, à la fermeté des engagements et de la loyauté – dans la conclusion, réussie, de l’histoire. Et, surtout peut-être, ce goût qui sera un fil conducteur dans l’œuvre entière du maître, pour les machines volantes ! Tous ces échos d’un cinéma futur qui nous est si cher font que le visionnage du Château de Cagliostro reste indispensable pour quiconque aime Miyazaki, même si le plaisir à en tirer est réduit.

Il est fréquent d’entendre des fans du travail de Monkey Punch déplorer que les personnages du Château de Cagliostro sont assez éloignés de ce qu’ils « doivent » être dans la « saga Lupin III » : ils regrettent en particulier l’effacement dans cette histoire des importants acolytes de Lupin III, mais également la personnalité de Lupin III lui-même… Cela peut être en effet gênant quand on tient à la cohérence de "l’univers Lupin III", mais cela signale aussi que Miyazaki s’est réellement approprié un univers qui n’est pas le sien à l’origine. Il a voulu rapprocher son personnage de l’œuvre originale de Maurice Leblanc, et il s’est aussi inspiré d’auteurs importants pour lui, comme Hitchcock (La main au collet), ou encore Paul Grimault (Le roi et l'oiseau). Miyazaki est donc tout prêt à s’envoler et à créer son propre « grand œuvre ».

Notons pour finir que si Le château de Cagliostro n’a pas connu de gros succès public, il a reçu à sa sortie au Japon un prix prestigieux, mais surtout que, même si aujourd’hui on a tendance à le négliger, il fut accueilli en Occident par ceux qui ont pu le voir comme une véritable révélation : on raconte – ce qui n’est pas prouvé – que Spielberg en tira partiellement son inspiration pour Indiana Jones, mais ce qui est certain, c’est que John Lasseter, le futur créateur des Studios Pixar, y découvrit un modèle à suivre…

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/09/15/retrospective-hayao-miyazaki-1-le-chateau-de-cagliostro-1979/

EricDebarnot
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le 15 sept. 2024

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