Petit medley tiré de l'OST du film.
Premier long métrage de Hayao Miyazaki en tant que réalisateur, Le Château de Cagliostro est un film que j'ai longtemps conservé sans regarder, par peur de la déception.
Peur car le film est une œuvre de commande, second long métrage de la franchise Lupin the Third, manga publié en 1967 par Monkey Punch. L'univers de Lupin ne me semblait pas se prêter à celui de Miyazaki, tant il y a un gouffre entre les deux. Gentleman aux mœurs légères, grand amateur de femmes et tueur à l'occasion, le cambrioleur était loin de correspondre aux standards Miyazakien. Confronté à l'imposant passé du roi d'la cambriole, attendu par les nombreux fans de Lupin, on était en droit de craindre que le maître se la joue trop sage pour ne pas se ramasser. C'était sans compter sur le talent du bonhomme qui développe son Lupin, son univers et parviens à fédérer tout le monde.
Nous voila dans la peau de Lupin troisième du nom qui, accompagné de son acolyte de toujours Jigen, débarque dans la principauté de Cagliostro, à la recherche de la "goat money", légendaire fausse monnaie. Il y sera confronté au terrible Comte de Cagliostro qui cherche à mettre la main sur la jeune princesse Clarisse et sur le secret qu'elle cache.
Dynamique et drôle, Le Château de Cagliostro est un must-see, ne serait-ce que pour la scène de course poursuite qui ouvre quasiment le film. Merveille d'animation et de dynamisme, habilement soulignée par la superbe bande-son de Yuji Ohno, on se sent directement électrisé. Entre les vieilles guimbardes toussotantes qui semblent prendre vie et souffrir de la violence des chocs (la pauvre Fiat 500 et la malheureuse deudeuch, j'ai eu mal pour elles), les virages improbables et les malfrats qui rappellent par le design les pirates de Porco Rosso, ou du Château dans le ciel, rien que cette scène vaut une heure et demi de votre temps. Sinon, on se plaît à suivre les aventures d'un Lupin-Lagaffe, ses cabotinages, acrobaties sur les toits, ses maladresses.
Prompt à l'amour et à la ripaille, rieur et désintéressé, comment ne pas se prendre d'affection pour un tel personnage ?
Visuellement on retrouve le style que Miyazaki développera pendant trente-quatre ans. Surmontant le peu de moyens dont il dispose, il compense en s'attachant à chaque détail. Les paysages sont somptueux, fourmillant de petites attentions. Nature verdoyante, montagnes enneigées, catacombes et lac profond surplombés par des châteaux immenses. Miyazaki dessine un paysage alpin idéalisé, vision romanesque de l'Europe. Côté animation, chaque plan fourmille d'éléments qui compense certaines scènes parfois plus figées.
Ne souffrant d'aucunes chutes de rythme, Le Château de Cagliostro est un excellent film d'animation qui préfigure les chefs-d’œuvre de Miyazaki. Amusant, dépaysant, Lupin est un héros pour les petits comme pour les grands. A l'inverse des assertions de Monkey Punch, qui explique que son héros a été infantilisé et adouci, je préfère y voir la genèse des héros qui feront le succès des studios Ghibli. Pour Miyazaki, son Lupin, foncièrement différent de celui du manga, c'est assagi et est devenu mature, capable alors d'actes désintéressés...
Le personnage de la femme fatale, incarnée dans la série par Fujiko est symptomatique de cette violence édulcorée. Il est toutefois à noter que c'est un des rares long-métrage Miyazaki où l'antagoniste meurt à la fin.
Quand parfois tout va mal, qu'on a un p'ti coup de Blues et une grosse envie d'une boisson chaude enroulé dans sa couverture, il n'y a vraiment rien de mieux qu'un Miyazaki. Conteur de génie, il nous transporte dans un univers enchanteur et on ressort d'une séance le baume au cœur et le sourire aux lèvres.