Rester sur terre...

LE CIEL ATTENDRA (13,9) (Marie-Castille Mention-Schaar, FRA, 2016, 104min) :

Ce drame pertinent sur une actualité brûlante suit le parcours croisé de deux jeunes adolescentes, Sonia 17 ans et Mélanie 16 ans victimes de l’embrigadement djihadiste alors que rien ne les prédestinait à suivre ce chemin-là. Deux ans après le remarquable et juste travail sur la mémoire dans Les Héritiers, Marie-Castille Mention Schaar (après s’être longuement documentée), s’attaque de nouveau à une réalité cruelle qui ne cesse de remplir malheureusement nos journaux quotidiens, pour mieux en comprendre le mécanisme. Sujet ô combien complexe et délicat dont la réalisatrice arrive à éviter les pièges en explorant son sujet avec la modestie qu’il faut s’attachant à décrire deux cas précis sans essayer de le traiter dans sa globalité tentaculaire. D’entrée le spectateur est plongé au cœur du drame avec une scène filmée au plus près d’un cercle de paroles de parents dont leurs enfants ont succombé aux sirènes malfaisantes du djihadisme. Ce cercle va servir de fil rouge continu au parti pris artistique qui va mêler l’aspect documentaire et la fiction dans une narration parfois un peu confuse où l’utilisation des flashbacks ne semble pas toujours forcément adéquate. La réalisatrice s’appuie sur un scénario bien documenté pour décrypter les deux chemins de ces jeunes filles, Sonia en voie de déradicalisation et Mélanie charmée par un « prince » de Facebook dont la propagande djihadiste va se propager insidieusement dans le cerveau de la jeune adolescente. L’une des bonnes idées du film est de nous montrer que ces victimes n’étaient pas dans des familles instables ou socialement désœuvrées et que le danger sans crier gare peut atteindre toutes sortes de jeunes filles. En parallèle nous suivons donc le parcours de ces deux jeunes femmes et la douleur des parents qui se trouvent totalement démunis et impuissants au-devant de cette cruelle réalité. Avec acuité la cinéaste démontre le mécanisme effrayant de simplicité, la vitesse et la puissance de cet embrigadement et également à quel point le combat pour « s’en sortir » est très long et douloureux, comme une addiction à une drogue dure. La cinéaste « investigatrice » montre avec intelligence mais ne cherche pas à expliquer où à pousser une réflexion sur le sujet c’est sûrement ce qu’on lui reprochera, mais c’est aussi cette modestie dans le propos qui s’avère pertinente. En cela la présence assez régulière à l’écran de Dounia Bouzar, (fondatrice du Centre de Prévention, de Déradicalisation et de Suivi Individuel) personnage public controversé qui joue son propre dans cette fiction, amplifie l’aspect psychologique et totalement authentique de ce film pédagogique. Cette fiction réalité poignante s’attache donc essentiellement aux drames intimes et aux souffrances vécues par ces familles. Ces foyers se sentant délaissées par un gouvernement qui semble dépassé par l’ampleur du phénomène, n’apportant que peu d’aides et de réconfort à ces foyers ébranlés. Malgré l’aspect cinématographique mis de côté, cette narration offre des scènes percutantes et puissantes notamment grâce aux deux convaincantes jeunes comédiennes, Noémie Merlant et Naomi Amarger interprétant leurs rôles avec beaucoup de justesse et de conviction, bien épaulé par des comédiens confirmés comme la touchante Sandrine Bonnaire et Clotilde Courau en mère brisée et culpabilisatrice. Ce récit courageux par ces point forts constitue une vraie réussite pédagogique Venez alors découvrir assez rapidement ce sujet cruellement contemporain bien que Le ciel attendra. Édifiant, imparfait, implacable et salutaire.