Cet été 2020, j'ai eu envie de revoir ce film. Après une bonne quinzaine d'années sans le voir je voulais savoir quel regard de cinéphile je pouvais désormais porter sur un des films que j'ai le plus regardé. À l'époque j'avais la VHS, et il me servait (avec deux/trois autres œuvres) de berceuse pour m'endormir. Je connaissais les dialogues et l’enchainement des scènes par cœur (un peu comme un album de musique dont on à les premières note du prochain morceau qui nous viennent en tête vers la fin d'un titre), on ferme les yeux, on écoute, et le film se déroule dans la tête. Malgré la grosse affection évidente que je lui porte, je voulais savoir si il a vieilli, si il ne s'agit que d'une sorte de madeleine de Proust ou si il a de réelles qualités. J'avais donc un peu peur de détruire un film ancré dans mon imaginaire, mais je voulais savoir.


Oui, Le Ciel, Les Oiseaux Et… Ta Mère ! à vieilli. Ses codes de réalisation font écho à certains clips de rap de l'époque, avec une forte utilisation de la courte focale, des zooms/mouvements de caméra rapide, des plans obliques, une colorimétrie plutôt chaude, etc. Ça rebuteras certainement un peu plus maintenant, mais néanmoins c'est cohérent avec son époque, son contexte, mais aussi sa diégèse. Parce que ça coïncide avec le côté "sale" ou amateur du film de vacances entre pote fait au caméscope, et parce que pour appuyer se rapprochement le film insère de nombreuses séquences filmées avec le caméscope qui accompagne les personnages. Et ceux qui ont un jour tenté de filmer dans un cadre privé à des fins de souvenir savent que, même si l'on connait et/ou maitrise des aspects de la réalisation, on est moins/pas exigent, que la caméra passe de mains en mains, que pour toutes ces raisons, le rendu n'est pas "propre".


Sur ce qu'il raconte, le film est aussi un pur produit de son époque. Peut-être difficile d'accès pour ceux qui ne l'ont pas vécue, ou pas vécue comme cela, mais assez juste. Il aborde notamment le trompe l'œil d'une France ouverte, inclusive et Black/Blanc/Beur, mais systématiquement méfiante à l'égard des français issu de l'immigration et des quartiers populaires.
Il aborde aussi des thèmes plus intemporel, ou du moins encore d'actualité, et d'actualité depuis longtemps. Comme la nécessité vitale d'être considéré comme un citoyen à part entière tout en l'exprimant parfois de manière maladroite et/ou contre productive. La difficulté à évoluer de manière détendue et naturelle dans un environnement qui nous est mal-connu et les mécanismes/attitudes de défense plus ou moins conscientes que l'on a. Ces premiers instants de liberté récréative dans une vie de jeune adulte. Les rencontres amoureuses et les relations amicales chez les jeunes adultes.


Le film parle de tout ça, et donc de manière humoristique. Il utilise certains clichés et stéréotypes dans sa narration ou mise en scène. Mais à chaque fois il s'agit d'un regard bienveillant sur ces stéréotypes ou clichés. Il ne s'agit pas de «rire de» mais de «rire avec». Et c'est une sacré différence sur le ton humoristique d'un film. C'est en fait l'occasion par le rire de porter un regard critique, de prendre du recul, sur ce que l'on est, ce que l'on vit, sans porter de jugement moral ou sans prendre parti (comme la fin


où les 4 amis se fâchent mais où l'on comprend le point de vue de chacun, et finalement tout le monde a un peu raison et tort en même temps


) sur les thèmes évoqués précédemment. Ça questionne, ça interroge, ça dédramatise, ça rigole, mais ça ne prescrit pas.
Alors certes, quelques propos peuvent paraitre oppressifs en portant un regard actuel avec nos problématiques contemporaines et la place légitime qu'elles ont (comme des insultes connotés homophobes ou sexistes). Ça rend certaines punchlines un peu moins drôle, mais l'intention du film est de tenter de déconstruire (avec le regard de son époque) certains rapports d'oppression et les clichés qui vont avec, alors ces propos rendent au final la situation encore plus ridicule qu'elle ne l'est, et donc plus drôle.


J'aurais pu parler de la place de ce qui semble être des impros dans le film, ou des acteurs que l'on aime ou pas, du phénomène Jamel Debbouze de l'époque, de la qualité de jeu relative de certains, du caméo de Ramzy et de la présence orale d'Éric, etc, mais en fait, selon moi le cœur du film est là. Ce n'est objectivement pas le meilleur film humoristique qui soit, même si j'ai à nouveau beaucoup ris par tendresse pour ce film, ces personnages, ce qu'il évoque chez moi (souvenirs de vacances entre amis). Je ne pense pas que ça note moyenne Sens Critique soit juste. C'est un film intéressant sur ce qu'il raconte de la France à un moment donné, et dont les problématiques demeurent encore aujourd'hui, même si elles ont plus ou moins bien évoluées. Il mériterai à mon avis, pour les raisons évoquées précédemment, d'être entre 6,5/7.

Suvann
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le 31 juil. 2020

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Suvann

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