François Ruffin, rédac chef de Fakir, part dans le Nord de la France enquêter sur les anciennes usines textiles du groupe LVMH. De fil en aiguille il rencontre les Klur, un couple de cinquantenaires licenciés d’un de ces sites de production, suite à une délocalisation. Leur situation est désormais précaire. À tel point qu’ils vivent la plupart du temps dans la seule pièce de leur maison qu’ils peuvent encore chauffer épisodiquement et à noël leur repas était constitué d’une tranche de pain au fromage. Criblé de dettes, ils se voient menacé d’une saisie de leurs meubles et de leur maison. Inspiré par la petite maison dans la prairie, Serge, qui a façonné mois après mois cette maison, ce jardin, en sacrifiant voyages et week-end, ne laissera pas son toit à d’autres, et brûlera sa maison.
François Ruffin, attiré par Bernard Arnault et ses méthodes à la pointe du capitalisme néo-libéral, décide de leur venir en aide, de les coacher afin de récupérer de quoi éponger les dettes et voir venir l’avenir ainsi qu’un travail pour Serge. En échange il filmera les négociations et pourra se servir de l’histoire comme matière journalistique.
Il ne s’agit donc pas pour Ruffin de juste se servir des Klur pour toucher Arnault, de les instrumentaliser comme j’ai pu le lire, mais bien d’un échange de bons procédés. Et force est de constater à la fin du film, que cet échange de bons procédé à fonctionné à merveille. Qu’il devient le bad-buzz tant redouté par l’organisation LVMH. Surtout si l’on considère que ce mercredi le film entame sa cinquième semaine de programmation, qu’il est passé de 39 salles en France à plus de 220, pour déjà 150.000 entrées.
Le film fonctionne très bien, peut-être un peu rapide parfois, mais il m’a semblé que c’était à cause de la précipitation des évènements et du besoin pour Ruffin d’être à la fois dans le Nord et à Paris. François Ruffin est un parfait faux naïf, à la manière de Pierre Carles, un peu débonnaire, sympathique, mais en fait c’est un racket organisé de main de maître. Encore que le terme racket ne correspond pas à la situation à mon avis. Il s’agit ici finalement de récupérer un peu d’argent pour le bénéfice d’êtres humains habitant une région en partie sinistrée par des groupes français transnationaux, qui se fichent bien de participer à l’effort national par l’impôt, et dont les dirigeant vont jusqu’à demander la nationalité belge pour là aussi échapper à l’impôt.
Ils se foutent royalement de la souffrance humaine qu’ils engendrent, dans leur plus grand cynisme. C’est donc derrière cette histoire familiale violente socialement, illustration parfaite d’un pan du livre de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, semblable malheureusement à beaucoup d’autres histoires, que Ruffin arrive à nous faire rire, avec notamment cette ahurissante peur de cette entreprise envers la menace Fakir, qu’elle va finalement elle-même alimenter.
Finalement c’est l’histoire de l’arroseur arrosé, à la sauce mondialisation et avec une pointe de Marcel Béliveau.