Cela faisait déjà quelques temps que je n’avais pas vu un film d’Asghar Farhadi. Celui-ci ne figurera sans doute pas parmi ses meilleurs.
Néanmoins, par certains aspects, il reste solide, notamment grâce à un scénario assez bien ficelé. Certes, il n’est pas exempt de reproches à faire sur la fin. Le film s’étire en longueur avec un dénouement qui n’en finit plus de proposer des détails superfétatoires. Ce n’était pas nécessaire à la compréhension des enjeux.
Il n’en demeure pas moins que l’ambition obsessionnelle de Farhadi (dépeindre la sensation d'extrême tension allant jusqu’à l’étouffement) est une nouvelle fois au cœur du film. Peut-être même cette oppressante tension n’a-t-elle jamais été aussi longuement et fortement entretenue? Impossible de trouver un seul vrai temps de respiration : on reste accroché à son fauteuil, le souffle coupé par cette situation hyper malsaine dans laquelle vient se fourrer Emad (Shahab Hosseini) de manière tout aussi dramatique et compulsive.
Difficile d’en faire le reproche au cinéaste. J’imagine sans peine comment tous les rapports humains sont cadenassés sans cesse dans une société tenue par autant d’astreintes, comment cela peut déboucher sur des blessures et des situations aussi pesantes jusque dans les petites scènes (taxi, école, théâtre) où se manifeste toujours cette espèce de sclérose morale en continu. Tout dans le scénario nous le rappelle. La peur se loge partout, elle peut éclater à chaque instant, tout le monde l’éprouve. Comment ce fait pourrait-il échapper au film de Farhadi?
L’angoisse a toujours été et est toujours actuellement au cœur de son cinéma. Peut-être que la dérive d’Emad est ici essentielle, en corrélation avec le fossé qui se creuse entre lui et Rana (Taraneh Alidoosti)? Difficile de mettre en adéquation liberté intime, respect d’autrui et les questions d’honneur, la sévérité du système politico-religieux. Forcément, ce n’est pas sans perversion, violences et mise en péril des sentiments. Le film le montre assez bien.
Les trois acteurs principaux (Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti et Farid Sajjadi Hosseini). On ne dira jamais assez combien Asghar Farhadi est un directeur d’acteurs impressionnant. Je suis toujours bluffé par ce que ses comédiens sont capables de donner et comment la caméra parvient à capter le moindre détail de leurs compositions. Pour quelqu’un comme moi qui adore cet aspect, c’est toujours un très grand plaisir que de voir ses films. Ce dernier ne déroge pas à la règle.
En raison de la fin ratée, ce film pourrait ne pas totalement convaincre, notamment en regard de la quasi perfection de certains autres films du cinéaste, cependant, il serait injuste de le condamner. Il mérite d’être vu, pour son efficacité et sa capacité à prendre le spectateur aux tripes, en soi expérience toujours remarquable, suffisamment rare pour le souligner.
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