Perroquet : papa d'accord....
Ou encore deux hommes et un couffin !
Vous avez bien lu ci-contre : un film de 1925 ! Muet comme il se doit : il faut donc, en le regardant avoir pour lui les yeux de Chimène et le considérer comme un trésor archéologique qu'on viendrait de découvrir, et pas un produit de grande consommation...
Là, c'est pour les purs et durs cinéphiles qui découvrent les premiers balbutiements du cinématographe, un peu comme vous quand vous essayiez de faire vos premiers pas enfant... Heureusement, les images de cette histoire ont été restaurées et on croirait cette pellicule neuve : sûrement plus neuve qu'à sa sortie même !
A contrario, la nouvelle daube musicale pondue par Ter Beek est absolument infecte comme écrin à ce joyau... J'ai rapidement interrompu mes souffrances auditives en lui substituant le fond sonore d' un 33 tours de Vangelis bien meilleur...(compositeur des Aphrodite's Childs injustement méconnu...)
Replaçons si vous le voulez bien cette œuvre dans son contexte temporel d'un film centenaire : on était loin d'imaginer aller un jour dans la lune, le smartphone et autres, et le public était curieux de phénomènes...de découvertes... de mystères ! Les miracles à Lourdes pullulainet, les baraques foraines rivalisaient d'ingéniosité pour montrer l'homme le plus gros du monde, les sœurs siamoises, les sirènes aux seins nus et à queues de poisson... Je me souviens qu'un estaminet du Mont de l'Enclus (Nord) faisait fortune en exhibant la grand-mère "femme à barbe"...
Certains privilégiés avaient même le droit de vérifier si les poils n'étaient pas factices : certes, ça résistait ! La pauvre ! Mais s'agissait-il bien d'une femme ? Car ces exhibitionnistes humains n'étaient souvent que des leurres et attrape-nigauds. Comme cette femme se transformant à vue d’œil en femelle orang-outang... D'ailleurs, certaines de ces pratiques sont de nos jours devenues aussi illégales que les combats de coq d'antan...
Coup d’œil dans le rétro !
"Un cirque vit d'avaleurs de sabres, hommes à la force prodigieuses (...) dont ici des artistes décident de s'associer pour créer le "club des trois", avec vocation d'augmenter les fins de mois en commettant des larcins :
Un ventriloque qui abandonne sa marionnette pour reprendre un négoce de volatiles en se déguisant en vieille femme dont les perroquets parlent... Forcément ! Sauf quand ils sont vendus et se taisent d'une manière énigmatique pour l'acheteur !
Un autre, nain, se fait passer pour un bébé, mais fume le cigare quand il est incognito...
Le troisième est une brute aussi épaisse que surhumaine...
Le trio ne respectant pas la parole donnée décidera de se passer de l'un d'eux pour voler des bijoux mais le cambriolage tournant mal, les deux voleurs deviennent des assassins... Et cachent leur méfait en laissant de faux indices permettant à la Police d'arrêter l'innocent vendeur de l'oisellerie !
La fausse vieille dame prise de remords va bien essayer de disculper son vendeur, essayant de parler à sa place alors qu'il n'articule que les lèvres... En vain ! Vous suivez toujours ?
L'histoire se déroule sur fond d'histoire amoureuse et le spectateur angoisse : un innocent va-t-il être condamné à la décapitation ?"
Pour peu qu'on accepte de jouer le jeu, on est séduit en premier lieu par cette ambiance inquiétante générée par des personnages étranges... Le silence du muet ajoute peut-être au suspense, mieux que les déluges sonores de basse des films d'épouvante contemporains...
Les acteurs, rompus à la scène des théâtres, continuent cependantde déclamer au cinéma comme s'ils étaient entendus, et en soignant à l'extrême les expressions de leurs visages ! Superbe ! Quel dommage que le mime Marceau ait été un des derniers à être célèbre dans l'exercice de cette discipline artistique obsolète...
Recommençait-on à l'envi les plans à cette époque ? Je ne sais, toujours est-il que quand on considère le nombre de films impressionnant de l'américain Charles Albert Tod Browning, réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain (1880-1962) très prolixe et au nombre de films impressionnant, on ne devait à l'époque qu'exiger du "vite-fait" prêt à être projeté...
Attiré par le milieu du spectacle, il avait abandonné tôt sa famille pour suivre une troupe itinérante...
Le scénario de Waldemar Young, selon le roman de Clarence Aaron Robbins est une petite merveille, d'autant qu'on ne voit plus ce genre d'histoire de nos jours, où est aussi mêlé un gorille irascible du genre King-Kong. Ce film flirte du reste avec l'épouvante et sera un galop d'essai pour le premier film du genre parlant de Dracula en 1931 parBrowning...
Ce film aurait-il été précurseur du parlant bien qu'étant muet mais faisant étrangement "parler" un ventriloque quand même ?...
Browning ne buvant pas d'eau à cette époque , trouvait-il son inspiration dans les vignes du seigneur ? Toujours est-il que cet étrange film remporta à l'époque un succès considérable, notamment à cause du jeu mystérieux des deux personnages joués par Lon Chaney, et de la particularité physique du nain Harry Earles... Le rôle de McLaglen comme Hercule est moins réussi.
Un film qui change agréablement des productions stéréotypées de notre époque avec des moyens et trucages très simples...
D'ailleurs, il ne faudrait pas beaucoup d'efforts techniques pour rendre ce film réellement parlant, car l'histoire se comprend aisément malgré le peu de panneaux explicatifs... L'effet serait-il le même ?
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Arte le 23.08.2024-