Curieux film sur un curieux personnage, a priori fictif, mais je suis léger sur les colonels d’Empire, et ne puis l’assurer.
Durand aurait pu difficilement être incarné par quelqu’un d’autre que Meurisse, en dehors même du talent du bonhomme, tant il est une contradiction qui marche entre assurance et faiblesse, majesté et ridicule, supériorité évidente et bêtise ontologique.
Affublé d’une franchise qu’on peinerait à pleinement qualifié ni de dostoïevskienne ni de sinopienne, survolant loin au-dessus de la masse en se moquant des huées, mais ne pouvant guère user de ses ailes pour marcher sur des sentiers qu’il s’obstine, on ne sait pourquoi, et lui non plus, à parcourir, il semble autant refuser tout sentiment sincère que ne pouvoir s’empêcher de s’y perdre totalement dès qu’il s’en présente un, tout en faisant de sa vaillance militaire le résultat d’une fidélité impériale tellement outrée qu’il la quitterait à la seconde pour une piquante Michèle Martin, et déserterait s’il n’en était empêché, et de quelle manière, par un poignant Louis Seigner.
Symbole et presque double du Corse dans ce qu’il peut inspirer en termes de fausse grandeur, de vraie bassesse, et de charme inexplicable et coupable, les tribulations de sa vie intime rejoignent celles de la guerre et de la paix, et son idiotie brillante celle de ceux qui les font.
La réalisation est assez propre en dehors de quelques post-synchronisations à l’italienne dans certaines scènes d’extérieur, et le rythme me semble tout juste ce qu’il doit être.
Pourquoi, dès lors, détruire en une inscription imbécile au-dessus d’un cheval minablement au galop, revenant à un "ils vécurent heureux et firent la gloire de l’Empereur", tous ces non-dits que j’avais cru entendre, tant sur la cruauté de l’amour que sur l’inanité de la gloire ? Peut-être ai-je mal compris ce qui précédait, peut-être l’ai-je surinterprété par manque de lucidité intrinsèque, ou peut-être que le roman du secrétaire de Clemenceau, qui devait peut-être en savoir un peu sur les revers de l’amour et de la gloire, n’a-t-il été fidèlement adapté que jusqu’aux ultimes secondes.
Il me faudrait le lire, ce en quoi je serai tout aussi seul qu’au visionnage de ce film, peut-être, mais, peinard.