Crossover Tarzano-Godzillo-King Kongesque
Le Colosse de Hong-Kong fait partie de ces films qui doivent se voir à plusieurs. Même si seul, le plaisir es immédiat, il faut reconnaître que le regarder avec des amis lors d’une soirée nanars pendant un festival fantastique ajoute un je-ne-sais-quoi de jubilatoire. Le genre de manifestation où il est possible de tout accepter, des effets-spéciaux kitchs aux dialogues les plus improbables; en passant par des péripéties dont l’abréviation WTF semble être la plus appropriée. Vous l’avez compris en arrivant sur cette page, le Colosse de Hong-Kong fait partie de ce genre cinématographique qui fait du tort au cinéma, le vrai, celui qui répugnent les amateurs de la Nouvelle Vague ou de l'Ecole Russe à la Eisenstein. Le nanar dans ce qu’il a de plus détestable dans les milieux bourgeois, mais de plus appréciable chez les amateurs d’un humour décomplexé. Si le film jouit d’une notoriété incroyable chez les experts du genre, il faut reconnaitre qu’il mérite pleinement sa renommée. Le Colosse de Hong-Kong est un film qui trouve aisément sa place dans le panthéon du nanar, si tenté qu'il en existe un. Le réalisateur Ho Meng-Hua nous inonde de partis-pris techniques tous plus absurdes les uns que les autres. Le tremblement de terre du préambule ne ment pas. Le spectateur est déjà averti des intentions du réalisateur. Tout ceci n'est qu'une farce, un plaisir coupable à même de dérider les zygomatiques les plus figés. Un plaisir que même Tarantino n’a pas renié, récupérant les droits de distribution pour son propre label (Rolling Thunder Pictures), criant au chef d'oeuvre après son premier visionnage.
Car quand les hongkongais font un truc, ils le font complètement, même s’il s’agit du pire. Sorti après le King Kong de John Guillermin, mais produit avant, Mighty Peking Man est un croisement farfelu entre King Kong, Godzilla et Tarzan. Après le tremblement de terre à l’origine du réveil du Colosse, le réalisateur construit un film de la même manière qu’un gamin jouant avec ses jouets. Il n’y a pas de documents indiquant cette volonté de rendre le film potentiellement nanardesque mais dès lors qu’il filme un homme dans un costume de singe écrasant des maquettes en carton-pâte et des figurants en mal de notoriété, il est évident que le spectateur (et lui-même le sait) va assister à un spectacle génialement mauvais. En proposant des dialogues aussi grotesques que mal-écrits, le réalisateur démontre une capacité phénoménale à rendre une situation sérieuse extrêmement ridicule. A tel point que ça en devient du génie. Toute l’intrigue entourant le personnage de Johnny l’asiatique (ça ne s’invente pas) qui va découvrir une espèce de Tarzan au féminin, prénommée Samantha, est une merveille de nanardise. Chaque nouvel élément de leur relation est une excuse pour se marrer à gorge déployée, comme ce moment où les deux tourtereaux courent en slow-motion dans un laps de temps extrêmement long. Ou celui où la sauvage porte sur ses épaules un léopard, le faisant tourner sans raison, le tout accompagné de musique romantique. Ou bien encore ce plan d’une intensité dramatique où les deux survivants du dimanche font l’amour, espionnés par un singe géant malsain en manque d’affection. Et puis les cameramans se font fait plaisir à filmer Samantha sous tous les plans, même ceux où elle laisse transparaître un sein (et à de très nombreuses reprises). Du génie, qu’on vous dit !
Dommage alors que la dernière partie du film s’essouffle dès lors que Le Colosse arrive en ville. Mais elle nous permet d'assister à une déstruction viscérale et fauchée d'un Hong Kong en papier mâché. Au fond, The Mighty Peking Man est un grand moment de jubilation cinématographique, de nanardise assumée et de déconne communicative. Le regarder dans les conditions de l’édition 2013 du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, la salle remplie d’amateurs du genre, alimentait encore plus cette expérience délirante et singulière. Merci Meng Hua Ho pour ce film aux références appuyées mais qui finalement est à des années lumières de ceux dont il s’inspire. Prodigieux ces hongkongais !