Trois hommes se retrouvent dans le bric-à-brac d’une pièce délabrée dans une maison de l’East End londonien. Il y a là Davis, un clochard acariâtre et raciste, insupportable d’arrogance et d’opportunisme, Aston, sorti d’un traitement psychiatrique et occupé à d’improbables bricolages au milieu de ce capharnaüm, et son frère cadet Mick, l'inquiétant propriétaire de cette propriété délabrée qui fait des apparitions sans qu’on sache ce qui l'occupe. Entre ces trois personnages se noue une relation irrationnelle de plus en plus conflictuelle, chacun puisant dans d’obscures chimères l’énergie pour supporter une existence totalement vide de sens. Harold Pinter a cofinancé, produit et écrit lui-même l’adaptation de sa pièce The Caretaker qui fut son premier grand succès en tant que dramaturge. Tourné en quelques semaines avec très peu de moyens dans l’exiguïté de décors réels, ce film rare et longtemps oublié n’a certes pas la dimension esthétique baroque et la précision virtuose de The Servant que tournera un peu plus tard Joseph Losey sur un scénario de Pinter. Mais paradoxalement, son côté bricolage sur le vif façon nouvelle vague lui confère un réalisme troublant qui contraste avec les dialogues décalés de cette «comédie de la menace», emblématique de l’univers absurde du futur Prix Nobel de littérature.