Adaptant l'ouvrage de Vanessa Springora paru en 2020, la réalisatrice Vanessa Filho (Gueule d'Ange) met en images une histoire vraie et glaçante : celle de l'emprise de l'écrivain Gabriel Matzneff sur une jeune collégienne, Vanessa.
Œuvre utile et inconfortable, Filho y filme cette prison mentale et physique très souvent de manière frontale, ne nous épargnant rien des rapports entre cet homme et cette fille, ce prédateur et sa proie, comme cette image, récurrente, de cette main sûre d'elle qui s'empare de ce corps fragile.
Dans le rôle (à contre-emploi) de cet ogre lettré, Jean-Paul Rouve, crâne rasé, me laissait au tout début quelque peu dubitatif, mais s'avère de plus en plus convaincant et dérangeant au fil du film.
Maîtrisant aussi bien la langue française que l'art sournois de la manipulation, il créé chez sa jeune victime une forme de dépendance continue, poussant un peu plus sa nouvelle "muse" dans ses griffes, et la faisant durement culpabiliser si celle-ci venait à remettre en question leur "amour".
Face à lui, la jeune Kim Higelin n'a pas la tâche facile dans le rôle de sa victime, mais s'en sort plus que bien, entre fragilité et lucidité.
Et autour d'eux, cet entourage, cette sphère médiatique et mondaine qui est au courant des agissements de Matzneff (qui n'en a jamais rien caché dans ses écrits), mais fait mine de ne rien savoir, de ne rien voir, de lui trouver des excuses ou de trouver ça "normal", à l'image de la propre mère de Vanessa (incarnée avec justesse par Laetitia Casta).
Le portrait d'une omerta incompréhensible, déjà pour l'époque.
Une œuvre troublante et déstabilisante, comportant certaines maladresses, notamment formelles (faisant se côtoyer des scènes d'une dérangeante simplicité avec d'autres scènes aux effets trop appuyés), mais qui ne peut en aucun cas laisser totalement indifférent.
Je serai curieux d'avoir un avis de celles et ceux qui ont lu le livre et vu le film.