Retrouver ce doux foyer, là où j'ai été, jadis, heureux...
J'ai bravé la pluie et le vent pour aller voir le dernier film de Takahata. Je n'ai pas vu tous ses films, juste Pompoko que j'avais franchement détesté, j'avais eu l'impression d'être pris pour un con tout le long d'un film pour enfant moralisateur, et Mes Voisins les Yamada qui était vraiment bien. Donc, malgré le mauvais souvenir que j'ai de Pompoko, je pense que c'est un type bien, un bon réalisateur, Le Tombeau des Lucioles ça me paraît plus que pas mal.
Pour ce nouvel opus, les critiques étaient bonnes, et je ne me faisais pas trop de soucis pour lui, j'avais confiance en Takahata pour qu'il nous fasse un bon film. Et je n'ai pas été déçu.
Le film raconte un conte que je ne connais pas, j'ai entendu dire qu'il serait abordé dans Okami (mais je n'y ai pas joué), c'est donc avec ce film que je découvre l'histoire et je dois dire qu'elle vraiment belle. Bien sûr, il est possible que Takahata ait pris des libertés par rapport au conte originel, ça n'empêche en rien le film d'être vraiment réussi.
Bon évidemment, le début du film confirme son talent pour créer des univers graphiques se distinguant des productions habituelles de Ghibli. C'est vraiment beau, enchanteur, difficile de ne pas être transporté dans ce monde magique du début du film. C'est assez proche du style épuré de Mes Voisins les Yamada. Ça me fait penser quelque part à Ernest et Célestine qui était une petite merveille à ce niveau (et pas que), on a vraiment un dessin qui donne une sensation de fait main, de peinture aquarelle. Magnifique. Je trouve ça bien qu'il ait sa propre patte, qu'il s'affranchisse de ses collègues pour créer un univers bien à lui, qu'on ne retrouve pas dans la plupart des films d'animation japonais de ces dernières années. Ça donne lieu à des scènes assez phénoménales, comme cette fameuse séquence où la princesse s'échappe à travers les maisons et la ville, le coup de crayon devient de plus en plus épuré et simple pour donner quelque chose de très fort et marquant. Il a vraiment un style à lui ce monsieur (pour ceux que ça intéresse, le cercle a parlé de cette scène dans la dernière émission, c'est intéressant et ça ne spoile pas le film).
Et ce qui est bien, c'est que la mise en scène sert évidemment l'histoire, et c'est véritablement là que se trouve le sel du film : il raconte une histoire belle et touchante. Bien sûr, on peut voir dans cette histoire le passage à l'âge adulte d'une jeune fille, les responsabilités qui l'incombent en temps que princesse, la difficulté de devenir adulte. Mais il aborde un thème qui me touche vraiment, c'est l'amour de la vie, le carpe diem, et surtout la nostalgie d'un temps révolu et heureux que l'on aurait aimé vivre éternellement. Et je trouve le film très juste là-dessus. Au début du film, on voit cette princesse enfant, et bien qu'elle grandisse à une vitesse plus qu'inhabituelle, on s'attache aux personnages qu'elle côtoie, à ses amis avec qui elle passe tant de bons moments. Et puis la vie suit son cours, les responsabilités prennent le dessus en grandissant, on quitte la campagne tranquille pour l'agitation de la ville, et on se demande si on retrouvera un jour ce bonheur perdu. Le film parle de ça, avec légèreté et humour. On voudrait toujours vivre heureux, mais la vie nous apprendra que ce n'est pas possible...
Il y a beaucoup de tendresse et de mélancolie dans le film, je pense à cette fameuse chanson qui revient souvent, qui sonne comme un poème, et qui est vraiment belle, ou cette scène entre la mère et la "fille", l'une essayant de rassurer l'autre. Et ce que j'ai aimé c'est que le film va tenir cela jusqu'au bout. La fin du film, qui enchaîne de très belles scènes, pouvait à un moment basculer. Et j'ai eu très peur, peur que le film ne tienne pas cette tristesse jusqu'au bout , qu'une fin plus consensuelle ou naïve gâche un peu la beauté du film, mais non. Le réalisateur a eu l'intelligence de s'arrêter quand il le fallait, de ne pas ajouter un retournement superflu, non, jusqu'au dernier plan tout transpire cette mélancolie un peu triste du temps et bonheur passé après lequel on court sans jamais vraiment pouvoir le rattraper.
Alors je dirais qu'un certain morceau du film n'est pas forcément le plus charmant et intéressant, mais globalement je me suis laissé porté par la beauté du film et ce personnage très pur de princesse, qui restera une grande enfant. Purée cette scène totalement lyrique qui se finit par une chute, ses longs cheveux au vent... Magnifique.
On pourra peut-être ne pas aimer, trouver le film un peu long (bien que ça passe franchement bien), mais pour ma part je ne peux que vous dire que j'ai beaucoup aimé, que le film m'a vraiment ému parce qu'il me parle, et parlera probablement à beaucoup de gens.
Décidément, Ghibli nous aura habitué à de la qualité cette année. Maintenant, une question se pose : si les deux fondateurs du studio ne sont plus là pour nous émouvoir, qui va pouvoir reprendre le flambeau quand aucun des outsiders ou presque n'a pu atteindre leur niveau ? En tous cas, voilà un bien joli cadeau pour l'été.
Ça me donnerait presque envie de lire le conte d'origine, moi qui adore ça.