La souffrance au travail, nous dit le psychiatre Christophe Dejours, n'est pas une fatalité. La souffrance par manque de travail non plus, nous dit Costa-Gavras. Son personnage principal Bruno Davert incarné par José Garcia peut donner des idées aux victimes de licenciement abusif. Au lieu de vous morfondre éliminez donc froidement tous vos concurrents pour le poste qualifié auquel vous prétendez légitimement et vous serez embauché à coup sûr.
Victime du capitalisme, Davert devient à son tour, à force d'égoïsme et de cynisme forcené, un capitaliste triomphant, celui pour qui « la fin justifie les moyens ». Il prépare ses meurtres avec des cartes de l'IGN et des repérages aussi soigneusement que s'il préparait CV et lettre de motivation. Motivé, réactif et dynamique, armé de son antique Luger il exécute ensuite ses victimes à bout portant ou en leur tirant dans le dos, ne leur laissant aucune chance.
Il rentre ensuite chez lui, embrasse sa femme aimante et attentionnée (Karine Viard) et discute avec ses enfants avec la conscience tranquille du parfait winner. De telles qualités capitalistes, en phase avec la société ne peuvent que le mener au succès tant espéré d'autant plus qu'il est aidé par la chance qui sourit toujours aux enfoirés sans morale .
Le couperet n'est pas un film à thèse lourdement appuyé. C'est un défouloir qui mêle thriller, réalité sociale et humour noir. L'humour noir est la particularité des romans de Donald Westlake, « l'auteur aux multiples pseudos » qui a écrit The Ax, le polar dont le film suit fidèlement la trame.
Costa-Gavras, avec son regard malicieux, prouve qu'il n'est pas seulement l'auteur sérieux de reconstitutions impressionantes d'événements historiques. Il prouve ici, bien aidé par José Garcia, qu'il peut changer complètement de registre, toujours dans le but de nous maintenir « éveillés ».