2012, Vienne. Malgré ses efforts, une cellule de la CIA échoue à empêcher le massacre des 120 passagers du vol 127 par des terroristes. Le couple formé par les espions Henry Pelham et Celia Harrison ne survit pas à l'impact du drame, Celia choisissant de fuir ce milieu et son amant sans une explication.
Huit ans plus tard, un commanditaire de l'attentat est arrêté et révèle la présence d'une taupe au sein des renseignements américains au moment des faits. En quête de réponses, Henry est mandaté par son supérieur de l'époque pour aller interroger Celia qui mène aujourd'hui une paisible existence de mère de famille en Californie...
Deuxième ration de Chris Pine sur Amazon Prime Video en très peu de temps après l'anecdotique "The Contractor", "All the Old Knives" est sans conteste le film récent avec l'acteur à privilégier sur le catalogue de la plateforme !
Adaptation du roman éponyme par son propre auteur Olen Steinhauer, ce thriller d'espionnage du danois Janus Metz Pedersen ("Borg/McEnroe") est en effet un véritable petit modèle du genre, convoquant le meilleur d'une intrigue dans le plus pur style de John le Carré pour le mêler à la force dévastatrice d'un amour laissé en suspens.
En parallèle de l'onde de choc provoquée par la prise d'otages sur laquelle le film choisit de s'ouvrir pour mieux nous partager d'emblée le poids du traumatisme de ses personnages, de cet échec à ne pas avoir réussi à empêcher le pire, c'est donc aussi les derniers instants d'une relation qui nous sont révélés, afin de bien nous faire comprendre que la page tournée de son propre chef par Celia sur tous les aspects de sa vie d'alors a associé à jamais les sentiments entre Henry et elle à la peine encore vive de cet attentat sanglant.
Ce triste lien va être instantanément ravivé par leurs retrouvailles dans le restaurant où Henry questionne aujourd'hui Celia. Dès que chacun pose le regard sur l'autre, c'est une évidence, les huit années écoulées semblent se mettre d'elles-mêmes entre parenthèses tant leurs yeux trahissent la cicatrice douloureuse laissée par la brusque fin de leur liaison. Essayant de faire fi de la résurgence de leurs sentiments, les deux anciens amants choisissent de remuer le couteau dans la plaie de leur passé commun pour se concentrer sur l'affaire du vol 127.
Dès lors, ce dîner -et donc interrogatoire en face-à-face- va devenir le centre de gravité autour duquel va se tisser une toile de faits et d'intervenants troubles chargée de maintenir sans cesse nos sens en alerte sur l'identification d'un possible traître en 2012. On s'y laissera volontiers prendre au piège: les faux-semblants et la paranoïa grandissante autour de ce panier de crabes d'espions venu du passé vont souvent chambouler notre perception des faits par une orchestration brillante du chemin vers la vérité où, en sus de l'éclairage continu apporté sur certaines zones d'ombre, une toute autre lecture d'un événement peut parfois intervenir par l'intermédiaire d'un simple regard sur lequel la mise en scène avait choisit délibérément de ne pas s'attarder plus tôt.
Ingénieusement maîtrisé à tous les niveaux pour faire déteindre peu à peu les conséquences de ce passé tortueux sur un présent dont l'obscurité paraît engloutir la quiétude artificielle de ce dîner, "All the Old Knives" arrivera constamment à malmener nos soupçons et/ou certitudes et, il faut le bien dire, nous prendra vraiment par surprise par la réalité de ses tenants et aboutissants où la puissance du lien unissant ces deux espions-âmes soeurs prisonniers de leur passé atteindra la plénitude de sa dimension désespérée pour nous laisser à terre devant la réalité de la tragédie qui était en train se jouer.
Emmené par les très bonnes prestations de Chris Pine (dans un de ses meilleurs rôles) et (de la trop rare mais si talentueuse) Thandiwe Newton, "All the Old Knives" est clairement une des meilleures propositions de film d'espionnage sur fond d'amour contrarié de ces dernières années. À découvrir !