Le Couvent de la bête sacrée par Alligator
juin 2011:
Hé hé, petit ouvrage à la férocité anti-chrétienne farouche et savoureuse à la fois. Cela donne un objet très étonnant, esthétisant la violence avec une outrance qui permet de mieux accepter ce postulat invraisemblable. Le cinéaste Noribumi Suzuki prend grand soin d'offrir des cadrages pensés, très beaux. La photographie est délicieuse, très colorée parfois et souvent joue merveilleusement des ombres et lumières. Le film avançant souvent vers des contrées mélodramatiques, l'usage de couleurs très vives, bleutées m'ont fait penser à la colorisation de Russell Metty. Carrément. Ouin, la comparaison est osée. Je suis un fou! Sérieux, c'est vraiment de la très belle ouvrage, très agréable à l'œil.
Les scènes érotiques sont très souvent jumelées à la violence puisque les rapports humains sont la plupart orientés sado-masochistes. Dès lors, j'ai été étonné par la beauté visuelle qu'il s'en dégage néanmoins. Cadrages audacieux, décors, ralentis, zoom, hémoglobine, montage dynamique mais souple, sont les éléments largement utilisés qui donnent à ces séquences ce style remarquable, plutôt kitsch, ce qui facilite peut-être d'autant plus l'espèce de distanciation qui se développe face à la violence.
On est frappé dès l'abord par une entrée en matière très éloignée du cadre monacal exploité plus tard dans le film. On découvre en effet Yumi Takigawa en train de faire du lèche vitrine dans l'agitation des rues et des magasins d'une grande ville, puis elle rencontre son copain à moto. Bref, une présentation très moderne en parfait décalage avec la suite.
D'autant plus que la musique fait penser aux films français policier des années 70. D'ailleurs des plans sur les affiches de films français corroborent le désir de filiation. Suzuki veut-il nous fourvoyer sur une fausse piste tout en rendant hommage au cinéma européen? Fort possible.
La mise en scène se révèle alerte ; elle demeurera ouverte et variée, une force de propositions qui tout le long du film continuera de surprendre, ce qui ne manque pas d'être agréable à suivre car le style et le rythme imprimés forment un liant sûr à l'ensemble.
Maya (Takigawa pour son premier film) veut connaitre les circonstances exactes de la mort de sa mère et l'identité de son père dans une abbaye chrétienne. Elle part donc enquêter. On entre donc là dans l'univers finalement carcéral de cette communauté de femmes où la discipline morale se nourrit d'une violence sans retenue et surtout d'une hypocrisie pleine de frustrations. Le film se pare parfois des atours du WIP : scène de douche, cat-fight, relations hiérarchiques sado-masochistes, recherche de taupe, trahison, rebondissements, saphisme, etc.
Pour aérer son film, Suzuki insère une ou deux scènes plus ou moins comiques. Ce n'est pas trop son fort. M'enfin... question de goût sans doute. La première joue de l'hypocrisie morale face à la sexualité. On y voit une vice-abbesse vicieuse qui découvre des images pornographiques, dans un premier temps avec horreur, mais dans un second temps, celle-ci pratique un onanisme gaillard, faisant vœu au pieu de chatteté (mouais, je sais, je suis fatigué). La seconde séquence est plus burlesque et paillarde. Deux hommes s'introduisent d'abord dans l'abbaye puis dans la vice-abbesse.
Ce qui m'a le plus plu, c'est certainement la virulence du propos anti-chrétien. Je concède que cela puisse choquer, que Suzuki n'y aille pas avec le dos de la cuillère, faisant pisser une moniale sur le christ, une autre pulvérisant la statuette à coups de marteau vengeur, évoquant de façon nietzschéenne en quelque sorte, l'inexistence du Dieu chrétien par le biais d'Hiroshima, Nagasaki et même Auschwitz et surtout en faisant la démonstration provocatrice de l'impossibilité pour les hommes et femmes de nier leur sexualité, incapacité qui débouche cruellement toujours par la souffrance, la honte, la culpabilité, l'hypocrisie ou la folie. C'est gros, schématique, certes, mais le trait porte. Il est vrai que Suzuki prêche un converti. J'imagine que ça ne peut pas fonctionner sur tous les publics.
Un mot avant de partir : Yumi Takigawa et son visage d'ange, ses petits seins, ses yeux ronds dont on devine très bien la détermination, est dotée d'un physique ravissant mais surtout dégage quelque chose de troublant. Ça serait-y pas la définition du charme, ça, hm?
Un bon film.