Ce film n'est généralement pas considéré comme une oeuvre maîtresse d'Hitchcock, et personnellement, je ne l'ai jamais considéré comme un film majeur (il est 13ème dans mon Top Hitchcockien). Cependant, il est après ses chefs-d'oeuvre une de ses plus belles réussites, surtout par le mécanisme de son intrigue savamment agencé et par sa dramaturgie. Techniquement, c'est aussi un tour de force de découpage cinématographique car le film est adapté d'une pièce de théâtre, et respecte de ce fait l'unité de lieu, Hitchcock ayant même accentué l'aspect théâtral. Ayant enfermé ses personnages dans un lieu clos, le Maître donne libre cours à son suspense légendaire poussé ici à son paroxysme. Le tournage fut prévu pour le procédé du relief, et ça se voit, car loin des effets grossiers (comme le lancer d'objets à la face du spectateur), Hitchcock axe sa mise en scène sur les mouvements latéraux de caméra, les cadrages inhabituels et la profondeur de l'image, soulignant ainsi la présence quasi charnelle des acteurs (ah les gros plans sur Grace Kelly, la carnation de sa peau, le modelé de sa chair !), mais accentuant en même temps l'angoisse et le malaise dans ce grand salon où se déroule la majeure partie de l'action, organisant à merveille l'espace et la disposition des volumes. Tout ceci ne fait pas oublier l'imbroglio policier qui se joue, on s'intéresse au plan d'exécution de la vengeance d'un mari jaloux, trouble et inquiétant bien qu'élégant dandy (excellent Ray Milland), et à l'itinéraire compliqué d'une clé d'appartement qui se trouve être la clé de l'énigme, mais chut ! Le film souffre un peu d'être un brillant exercice de style, il n'a évidemment pas le génie de la Mort aux trousses ou de Psychose, mais même secondaire, un film d'Hitchcock reste une éblouissante leçon de cinéma.