Il y a deux documentaires d'Arte que je voulais voir : Teen spirit, pour lequel j'ai rattrapé mon retard concernant les teen movies que j'ai vu, et Le culte des seins. Mon prof de documentaire se plaignait justement en début d'année du fait qu'Arte se mette à faire des documentaires sur les fesses, puis sur la poitrine des femmes, afin d'attirer un large public. C'est sûr qu'un film sur les seins risque de ramener plus de spectateurs sur la chaîne que ce documentaire sur Stonehenge que j'ai regardé un jour où j'avais la fièvre et où j'étais cloué dans le canapé, trop numb pour ne pas aimer ce que la cinquième chaîne diffusait.
Sommes-nous donc des pervers, pour regarder "Le culte des seins" ? Le sujet est clairement choisi parce qu'il va attirer les mâles, et la façon de le présenter sonne la plupart du temps comme une excuse. On nous parle d'un retour au rapport avec la nature, auquel correspond une liberté du corps et donc du sein, blablabla... oui bien sûr. Evidemment on ne peut acclamer les qualités techniques du documentaire, s'en tenant au plus simple concernant la réalisation et le montage ; les transitions entre les différentes parties du sujets ne sont pas tellement bien amenées non plus, mais comme pour Teen spirit le plus important c'est le contenu, notamment avec les intervenants. Et parmi eux, heureusement, il y a de quoi se rassurer pour ceux qui auraient mauvaise conscience de regarder la chaîne culturelle franco-allemande parce que, pour une fois, on y parle de poitrine.
Le documentaire présente avant tout des femmes, qui parlent de la poitrine parce que ça fait partie intégrante de leur métier (danseuse burlesque, auteur d'un livre sur les seins), ou simplement en tant que représentante de la gente féminine. Cela permet d'avoir le point de vue des femmes sur leur attribut, on apprend des choses, comme quoi il n'y a pas que les hommes qui sont obsédés par cette partie du corps.
Par contre il y a aussi, largement, de quoi s'inquiéter plus tard.
Je ne suis pas d'accord avec la plupart des intervenants. Prenons par exemple l'auteur de "Boobs", qui ne comprend pas qu'on puisse faire tout un plat du sein de Janet Jackson dévoilé durant le superbowl. Elle dit elle-même que les enfants regardent, mais ça ne la dérange pas. Pourtant il est clair, et ce documentaire le confirme, que dès le plus jeune âge le sein est sexualisé. Des femmes comme cette auteur veulent-elles que la sexualité soit accessible à tous, à tous âges ?
Je trouve ça dérangeant ; ok pour la libération sexuelle mais il faut arriver à comprendre que certaines personnes peuvent être choquées, et c'est tout à fait normal.
Plus tard, il y a ces femmes qui militent pour être topless sur les plages alors que c'est interdit. C'est du féminisme ? Que l'on se sente bien avec son corps ok, mais comme cela a été dit, le sein a inévitablement une connotation érotique, où est la limite entre cela et être perçu comme un objet sexuel ?
Dans les prochaines années, doit-on prévoir des mouvements "bottomless" ?
Ca devient de plus en plus intéressant, et de plus en plus consternant au fur et à mesure du film.
Il y a cet écrivain qui a rédigé des ouvrages sur les cannibales, les excréments et... les seins, qui a des objets liés à sa mammophilie jusque dans son bureau, et qui s'amuse dans son temps libre à faire des collages des plus beaux seins de la peinture. Ca me rappelle un passage très glauque du film "Maléfique"...
Il nous lit un passage de son livre où il décrit 20 façons différentes de caresser les seins, mais le plus effarant, voire effrayant, c'est qu'avec impassibilité il nous sort des statistiques concernant le rapport des hommes avec les seins ou encore leurs fantasmes. Certains rêvent d'avoir 4 mains, d'autres de trouver une femme à 3 seins, un animal à seins de femme, ou de pouvoir caresser la femme de Tarzan (??!?).
Dites-moi que je suis normal en étant consterné.
Encore plus délicieusement insolite : un collectionneur qui nous présente des BD érotiques, entre dessins détaillés, cases où un sein se transforme en fuselage d'avion, ou en poulpe ! Totalement halluciné et obnubilé, je n'attendais que de voir quelques pages d'Elvifrance, mais finalement il n'en a pas été question.
Mais avec ces histoires peu banales, je me suis dit que le nanar n'était pas loin. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis, tout d'un coup, débarquer deux rédacteurs de Nanarland (l'un, d'après ce que j'ai deviné, est Labroche) qui nous parlent de plans nichons. Et le documentaire enchaîne sur Russ Meyer ; si c'est pas beau ça, surtout qu'ils sont allés dénicher l'une de ses actrices puis le réalisateur de Double D avenger.
Alors évidemment, avec ce passage parmi les mauvais films sympathiques, j'étais conquis.
"Le culte des seins" semble purement gratuit dans ses intentions, on a du mal à voir le fond qui se cache derrière toutes ces grivoiseries tordues, mais heureusement la réalisatrice a su interviewer les bonnes personnes, intéressantes qu'on soit d'accord ou non avec leurs propos.
PS : Au passage, j'admire le travail de Terry Rodgers, que je ne connaissais pas mais qui fait de magnifiques toiles subversives, qu'il défend de manière captivante.